Un immeuble limite crapoteux et ses copropriétaires dans l'Est parisien - ancien quartier populaire (il y a ainsi un atelier désaffecté en fond de cour), aujourd'hui boboïsé. En rupture avec une vie qu'il ne supporte plus, Antoine, un quadra ex-musicien shooté aux antidépresseurs, y obtient la place de gardien. L'histoire parle surtout d'une rencontre, celle d'Antoine et Mathilde, une des occupantes de l'immeuble - sur fond - symbolique - de fissures dont cette Cassandre senior surveille la croissance au mur de son salon. Autour de ce tandem improbable (qui se rapproche, puis s'attache, à la façon d'une mère et son fils - ce que l'écart d'âge rend plausible - tous deux en grande fragilité émotionnelle) gravitent d'autres personnages, passant eux aussi au quotidien "Dans la cour" : Serge (Feodor Atkine), le mari de Mathilde, Stéphane (Pio Marmai), l'ancien footballeur "collectionneur" de vélos, qui s'entassent dans la cour, junkie et narcoleptique, M. Maillard, qui hurle à la lune pour débusquer un chien importun, sans oublier Lev, le squatter illuminé... Les saynètes avec ces figures secondaires, souvent pittoresques, sont souvent bien venues, dans le registre drolatique surtout. Qui servent à mettre en perspective la relation singulière du duo central,
dont la tonalité vire irrésistiblement du vert espérance au noir du deuil, du gentiment absurde au carrément tragique.
On louera le ton inhabituel de ce 8e "long" de Pierre Salvadori, sa dramaturgie opportune et la qualité des dialogues. En revanche, au rebours de la plupart des commentaires, on peut, selon moi, discuter de la distribution - du côté des 2 rôles principaux. Catherine Deneuve, "monument du cinéma français" comme il convient de la qualifier, ne m'a que très rarement convaincue - et spécialement en la circonstance. D'abord parce qu'elle a 10 années de trop pour être crédible en "jeune retraitée" - en dépit de tous les efforts de la médecine esthétique, ses 70 ans se constatent à chaque plan trop rapproché. Et surtout parce que son jeu est figé, crispé, et que sa détresse n'est que fabriquée, sans une once de naturel. Une actrice (déjà ayant l'âge du rôle) sachant construire vraiment un personnage s'imposait - Isabelle Huppert, par exemple.
Gustave Kervern s'en sort beaucoup mieux en Antoine. Mais un Sergi López (d'ailleurs dans la même direction, au physique, que lui) aurait été meilleur encore - un Sergi López débarrassé de son accent cependant (lequel est un vrai handicap dans ses prestations en français) !.....