Sur un sujet douloureux, Pierre Salvatori nous livre un film assez indéchiffrable. Tantôt drôle et un peu décalé, tantôt franchement lourd de tristesse, essentiellement vers la fin en dépit des toutes dernières minutes qui se veulent optimistes. Catherine Deneuve est très touchante en femme qui se sent doucement glisser vers la folie sans rien pouvoir y faire. Je ne suis pourtant pas très fan de cette actrice, mais je reconnais bien volontiers qu’elle n’a plus rien à prouver et qu’elle est, dans ce film comme dans d’autre, incroyablement juste. Gustave Kervern, à ses côtés, finit par rendre son personnage apathique attachant, même si on a souvent envie de le secouer comme un prunier pour le faire sortir de sa torpeur, ce qui prouve qu’il s’est bien approprié ce rôle. Les seconds rôles qui les accompagnent sont bien écrits, et notamment Pio Marmaï en toxicomane voleur de vélib’, dont on pense d’emblée qu’il est l’archétype du looser parfait, alors qu’il cache une blessure au sens propre comme au sens figuré, et qu’il ne laisse entrevoir cette blessure que dans une seule scène, très juste là aussi. Même si l’humour n’est pas absent de « Dans la cour », souvent par le biais du personnage d’Antoine mais aussi, et c’est plus étonnant, de celui de Mathilde, il est tout de même très discret si on le compare aux autres films de Salvadori « Les apprentis », « Hors de prix » ou « De vrais mensonges ». Il y a dans « Dans la cour » quelque chose de désespéré qui n’apparaissait pas avant, dans sa filmographie. Le scénario prouve, au final, que nous sommes tous égaux dans la dépression, et que la détresse psychique est la même, et ce en dépit de toutes les différences de culture, de statut social, de caractère : çà s’exprime différemment, par l’autodestruction (Antoine), l’angoisse obsessionnelle (Mathilde), la délinquance (Stéphane) ou encore la quête s’une spiritualité de bazar (Lev), mais au fond, c’est la même souffrance. Mais « Dans la cour » est un film bardé de bonnes intentions qui finit par tourner en rond et plus l’atmosphère du film devient lourde et douloureuse et plus, c’est humain en tant que spectateur, on a envie d’en sortir ! Et puis le scénario parait inabouti sur certains points, notamment concernant le passé d’Antoine dont on ne sait rien. Il y a une scène étrange (et qui met mal à l’aise) avec ce qui semble être son ex-compagne : elle le cherche, il refuse d’être retrouvé mais çà nous laisse sur notre faim, on aimerait comprendre ce qui s’est passé dans sa vie avant, pour qu’il en arrive à être si malheureux. Intéressant mais, reconnaissons le, assez déprimant, « Dans la cour » vaut essentiellement pour la belle rencontre, improbable sur le papier, de Catherine Deneuve et Gustave Kervern. Cela donne un moment de cinéma humain et touchant, pour peu qu’on ne soit pas légèrement dépressif soi même…