Crédité de deux Césars, dont celui du meilleur scénario et celui de meilleure actrice, la dernière comédie signée Albert Dupontel est autant un succès critique que public. Si le trublion n’en n’est pas à sa première réalisation, dans ce genre bien précis, il parvient pour le coup à élargir encore d’avantage son public, à l’heure, il faut l’avouer, ou la comédie française manque sincèrement d’élan. De par un humour noir acerbe et parfois jouissif, de par une réalisation culottée et techniquement audacieuse, Albert Dupontel décrasse les vieilles méthodes pour faire d’une comédie quelque chose d’inoubliable et non pas d’objet voué à simplement faire passer le temps. Au terme d’un film concis, rythmé, le public ne peut que se rendre à l’évidence. L’auteur, réalisateur et interprète est sans aucun doute l’un des tous meilleurs de sa génération, malgré sa relative discrétion.
Mais 9 mois ferme, c’est aussi un énorme succès pour Sandrine Kiberlain, en référence aux Césars. L’actrice, que l’on retrouve d’avantage dans des rôles dramatiques, puise toute l’énergie nécessaire pour faire d’elle une bombe comique en puissance, jouant sobrement le sérieux et astucieusement l’ironie. Si l’on sent souvent son personnage à la limite de la rupture, elle sera capable, la scène suivante, de faire preuve d’une philosophie surprenante. Très belle prouesse de la part d’une actrice pour qui il n’est pas forcément coutume de se lâcher. Dupontel, quant à lui, est fidèle à son image d’excentrique, de marginal. Amusant, à la réplique piquante, l’acteur donne le ton à son film, faisant miroiter un humour décalé tout bonnement exceptionnel, même si l’on sent la retenue permettant parfois trop la préservation du politiquement correct.
Coté morale de l’histoire, rien de bien folichon, pourtant. Une juge d’instruction enceinte d’un criminel en cavale à la suite d’une bavure sexuelle, conséquence d’une soirée trop arrosée. A ce titre, la séquence de visionnage des caméras publiques est tout simplement magique, là ou Bouli Lanners s’amuse à jouer du langage acerbe alors que madame la juge prend conscience de sa débauche inavouée, jouant aussi bien de la turlute que de l’accouplement sur un monceau de poubelles dans une rue pavée de la capitale. Audacieux. Soulignons également la vivacité des scènes hypothétiques mettant en exergue les probabilités d’accident, de suicide, de vieil homme que le dénommé Bob est accusé d’avoir massacré. Le délire est parfaitement maîtrisé.
‘’Qui vole un œuf bute un veuf’’ ! La sens de la réplique chez Dupontel est également l’une de ses forces. Soigneusement écrits, les dialogues de 9 mois ferme, ses joutes verbales, notamment celle de l’avocat du prévenu, merci Monsieur Marié, font du film un inoubliable exercice de style. Entre humour lourdaud, toujours efficace lorsqu’il s’agit d’assommer à répétition l’abruti du casting, et une science de la répartie verbale, que l’on peut rapprocher à celle des frères Coen, Albert Dupontel démontre qu’il faut encore compter sur lui, pour notre plus grand plaisir. 9 mois ferme est sans conteste la bonne surprise comique française de l’année dernière. 15/20