Albert Dupontel est un cas à part dans le cinéma français : n’ayant jamais caché son engouement pour le comique trash et caustique ainsi que son admiration pour les Monty Pythons, il a toujours réussi à intégrer ses influences dans ses films pour nous livrer de véritables petits bijoux d’humour noir, bien loin des comédies françaises traditionnelles formatées et rarement savoureuses. Alors, qu’en est-il de son cinquième essai ? Et bien soyons franc : c’est encore une belle réussite. Mettant de côté cette fois-ci son agressivité corrosive habituelle qui l’handicapait (cette « maladresse » faisait que le public appréciait moyennent l’humour très noir des ces comédies), Dupontel propose une histoire, certes drôle et un peu folle, mais aussi tendre et touchante avec un brin de morale (il ne faut jamais boire jusqu’à l’excès sous risque d’en subir les conséquences et ce n’est pas parce que tous les éléments sont contre une personne qu’elle est forcément coupable….en gros, que ce soit l’humain ou la société : personne n’est parfait). Le scénario est simple mais imparable, la réalisation est soignée (une impressionnante scène d’ouverture en « faux » plan-séquence où la caméra suit un ballon dans les airs, de très beaux jeux de lumières, une superbe ellipse temporelle illustrée par un travelling circulaire, des mouvements de caméra parfois un peu speed) et certains scènes sont tout simplement irrésistibles (l’hystérie d’Ariane quand elle apprend qui est le père de son enfant, le passé de Bob, lorsque Ariane découvre sur les bandes de vidéo-surveillance sa « folle nuit du réveillon», la formidable plaidoirie de Maître Trolos, les reportages télé avec le gars qui fait la traduction en langage des signes). Pour ce qui est question du casting, Dupontel a encore réuni une incroyable galerie de « gueule » : outre lui-même, toujours égal, dans son rôle habituel du héros sympa avec un QI assez faible ; il fait avec Sandrine Kimberlain, inattendue et convaincante à 500%, un duo fantastique fait des étincelles : ils crèvent littéralement l’écran. Autre formidable interprétation, celle de Nicolas Marié en Maître Trolos : acteur fétiche de Dupontel (il jouait le commissaire de "Bernie", Pierre dans "Le Créateur", le repenti Duval-Riché dans "Enfermé Dehors" et le docteur dans "Le Vilain"), il est incroyable dans ce rôle d’avocat qui n’arrête pas de bégayer et d’une puissance comique terrible. Sa plaidoirie en fin de film où il accumule les arguments les plus pathétiques pour défendre son client est juste jubilatoire !! Les seconds rôles, même si leur temps à l’image est parfois court, sont tous aussi marquant que ce soit Philippe Uchan en juge De Bernard adepte des « coups sur la tronche », Philippe Duquesne en légiste en pleine autopsie, Christian Hecq en flic à la gueule cassé ou encore Jean Dujardin lors de petites séquences de journaux télévisés où il apparaît en tant que traducteur en langage des signes et dont les gimmicks sont à hurler de rire !! Retenons aussi les caméos sympathiques des réalisateurs Jan Kounen ("Vibroboy, "Dobermann, "Blueberry", "99 Francs") et Gaspar Noé ("Carne", "Seul Contre Tous", "Irréversible", "Enter The Void") en compagnons de prison de Bob et du grand Terry Gilliam ("Sacré Graal", "Brazil", "L'Armée des 12 Singes", "Las Vegas Parano", "Tideland", "L' Imaginarium du Docteur Parnassus") en meutrrier psychopathe américain, et qui avait déjà participé à "Enfermés Dehors" : Monty Pythons For Ever !!
Voilà, "9 Mois Ferme" est donc une petite perle de comédie tendre et vacharde, sans conteste l’une des plus drôles de cette année, qui est bien au dessus du niveau de la comédie française actuelle. Monsieur Albert Dupontel, pour avoir commis avec "9 Mois Ferme" un film remarquablement drôle et satirique, je vous condamne à avoir un énorme succès ; et pour vous tous, je vous condamne à aller le voir le plus vite possible et à vous amuser !