Un journaliste se posait récemment la question de savoir si Orson Wells n'était pas le plus grand cinéaste de tous les temps. Et bien non, cher héritier d'Albert Londres, tu te trompes. Kohl Glass, voilà un nom que l'histoire du cinéma retiendra, aux côtés de Tziga Vertov, François Truffaut ou Michael Haneke. Peut-être même devant eux. Et Kohl nous en met ici plein les yeux (vous l'avez ?). Il est au sommet de son art.
Sans vous gâcher le plaisir de la découverte, ce petit bijou débute par une course-poursuite totalement épique, où les archers se servent de leur arme contre tous les gentils SAUF celle qu'ils doivent abattre. Cette première séquence nous place tout de suite face au projet ambitieux de Glass : nous interroger sur le libre-arbitre des orques. Globalement, le film remet totalement en cause les acquis kantiens en la matière. La princesse est, de façon tout à fait inattendue, sauvée par un Indiana Jones d'opérette, et les orques, une fois de plus, par leur hésitation face à une force oppressive, nous font nous demander : où débute le totalitarisme harendtien ? Quid de la peur platonicienne comme forme de destruction de la vérité ? Machiavel n'aurait-il pas dû ajouter que le Prince doit avoir, non seulement la force du loup et l'intelligence du renard, mais aussi la kalashnikov à chargeur de 320 balles ?
Voilà, dès les premières dix minutes, le ton est donné : la philosophie.
La grande épopée qui s'ensuit ne nous déçoit pas : le parti pris de Glass d'utiliser les archétypes nous renvoie évidemment à la réflexion nietzschéenne sur la place du mythe dans l'imaginaire collectif : le retraité-de-l'armée-qui-veut-un-petit-coin-pépère-pour-couler-des-jours-tranquilles n'est là que pour nous questionner à son tour sur la question, désormais proudhonienne, de la propriété : des orques ont-ils le droit d'être sur notre terrain ? La question reste ouverte, de même de la pratique de la torture au tazer (est-ce du spécisme ou au contraire de l'antispécisme, à Aymeric Caron de nous éclairer).
La princesse, une boniche qui chouine aux vêtements qui couinent, démonte les stéréotypes de genre tels que dénoncés par Simone de Beauvoir, en se servant de ses armes quand il le faut.
Enfin l'Indien aveugle avec un bouc nous interpelle à son tour : est-ce facile de se raser sans voir ?
Je vous laisse découvrir la suite, entre dialogues profonds ("Euh euh euh je vais chercher du renfort") et décors politiques (le très discret autocollant "When the guns are outlawed, I will be an outlaw"), entre scénario foireux et synopsis tordu.
Le tout est servi par une réalisation, comme dit plus haut, engagée et novatrice : confier une caméra à l'épaule à un mec bourré qui fait un test d'équilibre, voilà qui nous bouscule dans nos convictions. La pellicule, déjà datée alors que l'oeuvre n'a que deux ans, c'est innovant. Le choix du casting, complètement à chier, à son tour questionne : QUI est le plus mauvais de cette production ?