Pour Keep Smiling, Rusudan Chkonia s'est inspirée de la véritable histoire d'une femme rencontrée dans un camp de réfugiés à l'occasion du tournage de son documentaire : "J’ai rencontré une femme extraordinaire, mère de 7 enfants", se souvient la réalisatrice, qui poursuit : "Elle avait participé à un concours de beauté pour tenter de gagner une somme d’argent assez conséquente dont sa famille avait terriblement besoin. Son récit avait tout d’une tragi-comédie et m’a fait immédiatement penser au cinéma."
Une des scènes du film, montrant une candidate encouragée à raconter la mort de son enfant pour espérer gagner plus de voix, peut surprendre par sa cruauté. Elle est pourtant inspirée d'un fonctionnement qui existe véritablement à la télévision géorgienne. Rusudan Chkonia raconte l'exemple du jeu "Qui veut gagner des millions ?", dont les sommes étaient reversées à des personnes en grande difficulté : "Un malade nécessitant une opération urgente, une personne ou une famille extrêmement démunie... Les téléspectateurs votaient en passant des appels payants (...) Il en est ressorti une compétition acharnée entre tous ces gens miséreux pour être celui qui allait le plus émouvoir le téléspectateur. Pour cela, ils n’hésitaient pas à tout montrer de leurs blessures, à raconter des détails intimes et humiliants sur leur condition."
Le personnage de Gvantsa a été le plus difficile à caster pour la réalisatrice Rusudan Chkonia, qui a dû s'adapter à l'actrice qui l'a finalement convaincue après huit mois de castings : "Dans le scénario, le personnage devait être une très jolie jeune femme, très sexy et féminine. Mais ça ne fonctionnait pas avec les comédiennes qui correspondaient à ces critères", raconte-t-elle. "Alors au lieu d’une fille super sexy, j’ai choisi la très maigre et névrosée Ia Sukhitashvili, qui est vraiment une excellente comédienne. J’ai dû alors retravailler le scénario pour m’adapter à elle."
Keep Smiling a bien failli ne jamais pouvoir se faire, en raison de financements particulièrement difficiles à réunir : "J’ai cherché des financements pendant sept ans. Quand, finalement le Centre National du film géorgien s’est décidé à soutenir le film deux semaines avant le début du tournage, l’un des partenaires financiers principaux nous a lâchés", se souvient Rusudan Chkonia. Le tournage repoussé, la cinéaste craignait de voir son équipe partir vers d'autres projets, parfois plus lucratifs. Celle-ci a cependant décidé de rester et de travailler à un moindre coût.
Initialement prévu en août dans un théâtre pendant sa fermeture annuelle, le tournage de Keep Smiling a dû être repoussé à septembre en raison de problèmes de financements. D'autres contraintes imprévues se sont alors ajoutées : "Le démarrage en septembre nous a contraints à tourner la nuit puisque la saison recommençait. Ces 45 nuits de tournage étaient extrêmement éprouvantes pour certains comédiens qui, le lendemain allaient à des répétitions de théâtre", explique la réalisatrice.
Les tournages nocturnes ont été à l'origine de quelques incidents, notamment à cause des maris de certaines actrices ! "La mentalité de la société géorgienne est assez rigide quant aux relations hommes/femmes", raconte la comédienne Olga Babluani. "Ainsi, les maris de certaines comédiennes étaient réticents au fait que leur femme travaille de nuit, en maillot de bain, qu’elles soient rémunérées pour cela ! Les forces de police ont même dû intervenir pour évacuer un mari en colère !"
Auditionnée pour le rôle de Gvantsa, Olga Babluani a préféré incarner Elene, "symbole de la décadence identitaire". La comédienne, qui a fui la Géorgie après la Guerre d'Abkhazie au milieu des années 1990, s'est installée en France avec sa famille. C'est en militante qu'elle est revenue dans son pays natal à l'occasion du tournage de Keep Smiling : "C’est en tant que porte-parole que je me suis confrontée à ce personnage. Je suis devenue Elene durant les deux mois de tournage. Ça a été un combat mental incroyable", raconte-t-elle.