Dans les années 1990, la télévision de Tbilissi organise des émissions reprises de "Gagnez des millions". Ici c’est l’organisation du concours pour élire « La Meilleure Mère de l’Année ». L’enjeu : un appartement de trois pièces et 25 000 dollars. Dix jeunes femmes vont s’inscrire, suivre les éliminatoires, les épreuves spécialisées, puis la préparation du show de la grande finale. Aucune n’a la moindre préparation, sauf une – on apprendra pourquoi. Le sujet est original, mais pour nous, le premier intérêt est de découvrir, à travers un film de Géorgie, une façon un peu rugueuse de mettre en scène et d’entrer dans la vie de cette lointaine capitale encore imprégnée de son passé de démocratie populaire. Le cadre de vie est celui de beaucoup de grands ensembles : des logements assez laids, très sonores, sans originalité, et surtout la découverte de familles d’origines différentes, souvent déracinées à la suite de la guerre. On comprend pourquoi l’appât de deux richesses, un peu d’argent, et surtout un logement à soi, peut générer une lutte sans merci. Un de ces couples vit dans deux chambres d’hôpital. Un autre sera expulsé pendant l'une des épreuves de la compétition. Très vite, nous faisons connaissance avec les concurrentes dont la vie continue entre les répétitions : leurs parents, leurs enfants, leurs maris surtout, qui ont du mal à admettre que leur épouse « s’exhibe » ; petits et grands drames, profondément humains. Et puis, il y a la découverte d’un milieu décrit sans complaisance : le dévoiement d’un concours « familial » devant l’appétit d’une presse qui vient s’introduire dans les vestiaires et trafique les photos des concurrentes en bikini. Les politiques sont à l’affut, les managers et présentateurs monnaient des résultats truqués contre des « gentillesses » plus ou moins consenties. La pression ne cesse de monter. Les plus fragiles finissent par craquer. D’autres refuseront de dépasser les limites de l’atteinte à leur dignité. Conclusion malgré tout rassurante… La réalisatrice (qui à mis 7 ans à faire aboutir son film tiré d’un fait divers) a parfaitement réussi à jouer de tous les aspects de son sujet : le plus courageux étant de montrer les inévitables dérives de tous les jeux, concours, loteries, compétitions : garantir leur intégrité, c’est comme lutter contre le dopage… Et « le public » en redemande, paraît-il… Cette leçon nous vient d’une lointaine République. Mais, une fois passé le mur d’une langue difficile, vous sympathiserez vite avec Gvantsa, Otar, Elène, Irina, Inga, Baya, Tamuna et aussi Rusudan, Chkonia, les héroïnes de cette histoire touchante.