En 2001, la sortie sur les écrans du film de Peter Mullan, "The Magdalene Sisters", nous avait fait découvrir avec consternation et révolte le traitement réservé aux filles "fautives" dans l'Irlande des années 50: enfermées au couvent, gardées par de redoutables religieuses sûres de leur bon droit, elles étaient exploitées éhontément, condamnées à trimer et trimer encore pour le supposé rachat de leur péché.
Sans doute fallait-il un film comme celui de Peter Mullan, un film à charge, un film sans trop de nuances, pour révéler ce scandale. Aujourd'hui cependant, la parution de "Philomena" de Stephen Frears, film qui n'est pas sans rappeler par son thème celui de Peter Mullan, adopte un ton très différent, plus nuancé et plus apaisé, sans pour autant gommer, bien entendu, les exactions commises par des religieuses à l'encontre des filles soi-disant perdues qui leur étaient livrées comme des proies.
Tirée d'une histoire vraie, voici donc le portrait de Philomena Lee et sa quête éperdue pour retrouver le fils qu'elle a mis au monde dans un couvent alors qu'elle n'était qu'une toute jeune fille et qui lui a été enlevé par les religieuses pour être vendu à un couple d'américains en recherche d'adoption. Cinquante ans après les faits, alors qu'il ne se passe pas un jour sans qu'elle ne songe à son fils, Philomena fait la rencontre de Martin Sixsmith, un ex-journaliste de la BBC, qui s'intéresse à son histoire et avec l'aide de qui elle va entreprendre de retrouver son fils perdu.
Le couple qui se forme alors pourrait facilement tomber dans la caricature. Mais Stephen Frears a su habilement tirer parti des différences de ses deux protagonistes sans jamais forcer le trait. Non seulement cela fonctionne admirablement, mais on va de séduction en séduction. Quand Martin Sixsmith, le journaliste qui ne croit pas en Dieu, nous pousse à l'indignation, Philomena qui, malgré les épreuves, n'a jamais perdu sa foi chrétienne, donne l'exemple d'un coeur qui ne veut céder ni à la vengeance ni à la haine.
C'est d'autant plus surprenant qu'on se rend compte, au cours du film, que, si les religieuses des années 50 se servaient des filles qui leur étaient confiées d'une manière totalement indigne et scandaleuse, celles d'aujourd'hui ne sont pas, elles non plus, exemptes de tout reproche, loin s'en faut! On ne se débarrasse pas si facilement des pharisaïsmes! Et comme il n'y a rien de plus difficile que de faire repentance, on préfère dissimuler, brûler, effacer, faire silence, faire semblant d'ignorer...
On sort de ce film en étant outré par ces hypocrisies sans aucun doute, mais aussi et surtout bouleversé, ému, touché au plus profond par le personnage à la fois simple et hors du commun qu'est Philomena (merveilleusement interprétée par Judi Dench). Une femme qui, malgré les injustices et les blessures, garde sa dignité et donne l'exemple d'une foi chrétienne agissante, sans faux-semblant, capable de la parole la plus belle et la plus étonnante qui soit, la parole de réconciliation. C'est beau, tout simplement! 8/10