Eh, le Chat, tu gogotes? Tu sais pas que l'année 2014 n'a que trois semaines, qu'il reste donc plus de onze mois pour découvrir des films géniaux?
Je sais, je sais. Mais je n'imagine pas qu'un autre film puisse atteindre à la force, à la beauté, à l'intensité, à la puissance émotionnelle de Philomena.
Stephen Frears, réalisateur prolifique.... Il a touché à tout, à tous les genres (son prochain film sera une biographie de Lance Armstrong!) même s'il est particulièrement inspiré lorsqu'il s'intéresse à la vie du petit peuple britannique! Sa filmographie va du bon à l'excellent, sans jamais un ratage, mais là, il a atteint un sommet de cinéma.
On pense, évidemment, aux Magdalene Sisters. Ces petites irlandaises qui se retrouvaient enceintes sans trop savoir comment, parce qu'on ne parle pas de ces choses là chez les pieuses familles, envoyées chez des bonnes sœurs qui n'étaient ni sœurs, ni bonnes, et qui se trouvaient acculées à signer l'acte d'abandon de leurs enfants -que faire d'autre quand on a été rejetée par sa famille? Philomena est de celles là. Chère Judy Dench, passant de Moneypenny aux plus nobles reines, Victoria ou la grande Elizabeth et à quatre vingt ans, toujours le même charme! On vous aime, Judy! Vous devez tourner jusqu'à vos cent ans révolus. (C'est Sophie Kennedy Clark qui l'interprète dans sa jeunesse
Elle a toujours cherché à savoir ce qu'était devenu son fils, Anthony, Philomena. Mais les religieuses (tellement charmantes maintenant, par rapport à ce qu'elles étaient....) lui ont répondu: pas de chance, les archives ont brulé! Toutes! Sauf, merveille, l'acte par lequel la jeune fille autorisait l'adoption de son petit garçon. Et le commerce marchait bien. On venait des Etats Unis se fournir en enfants. Même Jane Russell, c'est dire! dont le portrait toutes dents et gorge déployés figure dans le salon de réception.... Pour son fils, Philomena a une certitude, puisqu'elle a assisté à son départ, ne faudrait il pas dire son enlèvement? Un couple était venu chercher une petite fille. C'était l'inséparable d'Anthony, sa petite camarade de jeu. Du coup, ils ont pris les deux! Une double adoption, très certainement aux Etats Unis, ça doit donc être plus facile à retrouver, si on s'en donne les moyens.
Et tout à coup, à la retraite, après avoir été infirmière pendant trente ans et eu une fille, elle veut s'en donner les moyens. Elle le dit avec la simplicité qui la caractérise: je ne voulais pas en parler parce que c'était un péché; j'ai compris que c'était un pire péché que de le cacher. Car Philomena a la foi, une foi du charbonnier, inébranlable. Sa existence va croiser celle de Martin (l'excellent et fort séduisant Steeve Coogan). Brillant journaliste au service international de la BBC, il a accepté de rejoindre la communication d'un cabinet ministériel, et là: boulette. Le voila dehors, dégoûté de tout, vaguement décidé à écrire un livre sur la Russie, la politique, rien que la politique, mais surtout pas l'"aventure humaine", bonne pour les tabloïds. Enfin, on le convainc d'écrire un livre sur la recherche de Philomena, et le couple improbable s'envole pour les Etats Unis. Il est snob comme un piano à queue; elle ne lit que des romans Harlequin, n'a voyagé que sur RyanAir, passe son temps à remercier le personnel et à s'émerveiller des buffets du breakfast.
On ne vous dit pas ce qu'ils trouveront aux Etats Unis, car c'est aussi un formidable thriller, ou récit d'aventure si vous voulez, qu'il ne faut évidemment pas déflorer. Et dont vous suivrez le déroulement, scotché à votre fauteuil. Mais si vous ne sortez pas de là avec la gorge serrée et les yeux humides, éjectez de chez moi! Vous n'avez rien à y faire.....
Le film est beaucoup moins anti -clérical que Magdalene Sisters, à cause de la magnifique personne qu'est Philomena. Elle n'en veut à personne; elle ne veut se souvenir que de la jeune sœur si gentille qui l'a aidée à accoucher, et qui a pris en cachette une photo d'Anthony, la seule chose qu'elle ait de lui. Et, à la fin du film, face à la vieille nonne confite dans ses certitudes, son fanatisme, sa haine de la chair et de ce qu'elle appelle "péché" -confite dans sa méchanceté en fait, elle va donner une formidable leçon d'esprit chrétien dans une scène phénoménale.
Magnifique. Tout est beau dans ce film. Tout est bien. Emouvant, vivant, passionnant, charnel, c'est une sorte d'acmé de film populaire. A voir. Et à revoir.