Dès son premier film Maborosi, Hirokazu Kore-Eda, qui vient du monde du documentaire, va s'intéresser à des thématiques qui vont hanter son cinéma par la suite, à l'image du deuil, de l'incompréhension ou encore de l'absence.
Ici, il met en scène une jeune femme devant faire face au suicide inexplicable de son mari, lui rappelant la mort de sa grand-mère dont elle se sent coupable. Kore-Eda propose un portrait subtil d'une femme d'abord souriante puis marquée à vie par la mort, ne pouvant faire son deuil et lorsque la cicatrice commence à se refermer, ça revient la hanter. Ce bouleversement semble l'accompagner éternellement, et à travers elle, le cinéaste s'intéresse à la façon dont on peut reconstruire sa vie et vivre avec une telle cicatrice, et une forte culpabilité.
L'oeuvre suit un schéma qui verra cette femme tenter de refaire sa vie, tout en essayant de comprendre ce qu'il s'est passé, et Kore-Eda démontre une parfaite maîtrise du scénario, bien construit et sobre, ce qu'il reproduit dans sa mise en scène. Il profite aussi d'un passionnant cadre, sachant le sublimer à l'image des simples séquence de vie dans le village, et n'hésitant pas à insister sur ce qui peut sembler des détails. Il parvient à faire ressortir l'émotion véhiculée par cette femme, d'ailleurs incroyablement interprétée par Esumi Makiko, dont c'était la première apparition à l'écran, trouvant toujours le bon équilibre dans une personnalité riante frappée par le deuil et l'absence.
La force de Maborosi se trouve aussi dans son atmosphère totalement prenante et à la limite du fantastique, sublimée par une imparable maîtrise formelle. Les éclairages sont magnifiques, et Kore-Eda joue remarquablement avec les clairs-obscurs, accentuant encore plus la douleur de cette femme, et la rendant encore plus poignante. Il fait preuve d'une vraie créativité pour capter l'essence de son protagoniste, et des personnages tournant autour, mais aussi du cadre et de l'atmosphère, à l'image de l'inoubliable séquence nocturne de la tempête, où une ressemblance de la grand-mère perdue semble revenir comme par magie.
Hirokazu Kore-Eda s'affirme dès sa première tentative au cinéma, offrant avec Maborosi un portrait touchant et sensible autour du deuil et de la reconstruction, dont on peut admirer la maîtrise formelle et se laisser emporter par une ambiance à la limite du fantastique. (merci à Kalopani pour la découverte)