« C’est tellement mystérieux le pays des larmes …». Antoine de Saint-Exupéry eut peut-être, à l’écriture de cette phrase, la fulgurance qui lui décrirait un royaume, où des petits princes pourraient régner. Vianney Lebasque, jeune recrue dans les terres de la réalisation, en aurait-il, s’il en croit le titre de sa première œuvre, trouvé la mouvance ? En aurait-il saisit l’essence, propre on le sait, à cette tragédie de l’éphémère et de l’espoir, que les enfants peignent dans leur cœur, aussitôt que celui-ci, se voit envahit d’une passion.
Et cette passion à un nom : le football, mais elle a aussi un prix : un bon état de santé. Chose que n’a pas JB, souffrant d’une anomalie cardiaque, et qui pourtant, va tout mettre en œuvre pour la dissimuler au regard médical de son centre de formation.
Cette première œuvre de Vianney Lebasque, est d’une sincérité forçant le respect, et même l’envie. Le fil conducteur de toute la dramaturgie, repose sur une attente particulière. Celle de voir la passion s’affirmer contre le fatalisme. Enrobant le propos moderne sur le rapport entre destiné et fatalité, la tragédie tant redouté devient alors une force vigoureuse ; une poésie qui ne cherche pas l’accomplissement, mais l’acceptation. Pour la pure et simple beauté du geste, le jeune prodige du ballon rond, tente au fur et à mesure, d’accepter cette confrontation (passion et fatalité), comme une réelle capacité de devenir. Un autre que lui-même se présente face à lui, un autre pouvant mourir du jour au lendemain, mais sans aucune idée de ce que signifie le mot fin, accomplissement, ou dernière lancée. Cet autre, est bestial et incontrôlable. Il laisse se déployer à lui, l’ensemble du propos moderne. Débarquant de la campagne silencieuse, dans les arcanes urbains où le silence lui, y est interdit. Paul Bartel est époustouflant. Maîtrisant l’émotion presque omniprésente du film à lui seul, dans une timidité rafraichissante, lui permettant de prendre un recul nécessaire par rapport à la lourdeur du fardeau dramaturgique de son rôle. La capacité de sa passion footballistique à ignorer la fatalité de son handicap, est une capacité mature, dotée d’une heureuse authenticité.
De manière platonicienne, le film interroge même sur le plan personnel de son héros, la dunamis et la pleonexia. En effet, la passion devient pour le jeune JB, un moteur de la connaissance de soi, et de son âme. L’exceptionnel Reda Kateb vient enrichir cette pesante gravité émotionnelle, tout en la contrôlant lui aussi. Les deux comédiens, dont les personnages deviennent rapidement complices, démontrent une palette foisonnante. Donnant sans cesse l’impression de découvrir, non sans une once d’angoisse et d’inquiétude, la manifestée de leur âme. La dunamis, d’un point de vue Socratique, est ainsi puissance dans la connaissance de soi, et non dans le vouloir « acquérir une plus grande part que l’autre ». Mais cet autre, c’est lui-même. Et JB, fait de cette puissance superficielle (parce qu’elle cache un handicap), une puissance qui ne veut pas une plus grosse part que lui-même. La timidité canalisant l’émotion tel « le courant qui creuse toujours plus profondément son lit » (Kant – sur la passion, Anthropologie du point de vue pragmatique), fait de la puissante passion de JB, une ascension vers la connaissance de son âme. Et son âme devient connue par la force de son œuvre : l’âme de JB est unie avec son corps, et ce dans sa souffrance. Son aspiration, ses rêves restent à la hauteur de son handicap, c’est-à-dire, à la hauteur de ce qu’il peut connaître de son âme, une autre manifestation du temps lui restant à vivre sans accident.
La composition de Paul Bartel livre un personnage onirique, mais surtout d’une authenticité profonde. Il fait toute la force du film, en ceci qu’il procure une saisissante expérience socratique. Le parcours d’un jeune homme, se découvrant à sa vrai nature, et faisant tout pour en trouver d’avantage, agissant sans cesse dans cette optique précise. Le plus grand mensonge que JB redoute n’est donc pas celui du discours extérieur, mais du sien. C’est alors qu’une magnifique sensation d’authenticité nous gagne. La compassion laisse place à l’emballement. Le personnage nous enthousiasme. Et le « c’est ça », laisse également place au « c’est lui ». Un individu vrai nous procurant une incroyable sensation de sincérité : l’optimisme du film repose ainsi sur une conclusion enjouée : « il est finalement possible… d’exister comme je me connais ».
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