On ne dira jamais assez merci à Quentin Tarantino. Non seulement pour son travail en tant que réalisateur et scénariste, mais également en tant que cinévore compulsif toujours prompt à partager ses avis et interprétations. C'est au détour d'une apparition dans Sleep with me que le metteur en scène, également comédien à ses heures perdues, formule l'une de ses lectures les plus excentriques : Top Gun serait en réalité une œuvre crypto-gay. Que ce soit vrai ou pas, peu importe. Il n'empêche que l'idée à fait son bout de chemin dans l'esprit de certains spectateurs fans ou non du film réalisé de Tony Scott, par ailleurs devenu l'ami et le mentor de Tarantino (dont il adaptera le script True Romance).
Comme beaucoup, j'ai gardé du long-métrage mettant en vedette Tom Cruise le souvenir d'une longue publicité pour l'armée de l'air, aussi blindée de poncifs éculés que de filtres orangés. Voir quelque chose d'aussi banal faire l'objet de culte, surtout que Scott lui-même n'a jamais caché les difficultés à livrer un produit aussi calibré (il fut viré et réembauché à 3 reprises !), voilà qui a de quoi laisser perplexe. Pourquoi ne pas retenter le coup pour voir s'il n'y avait pas un trésor caché derrière le tract couillon ? À l'issue de cette "deuxième" séance, deux constats s'imposent. Le premier est que non vraiment, ça reste exaspérant de sottises. Pourtant, la thèse de Tarantino ouvre une faille qui permute Top Gun en pantalonnade homoérotique bien plus drôle.
Du milieu clairement macho dans lequel barbotent ces pilotes, la femme fait office d'élément étranger. À l'exception d'une hilarante scène d'amour, à l'horizontal et au ralenti sur filtre bleu, la mise en scène a l'air bien plus intéressée par les rapports entre ces beaux jeunes hommes avides de sensations fortes. J'en veux pour preuve les diverses confrontations entre Maverick (Tom Cruise) et son rival Iceman (Val Kilmer, envoûtant), chargées d'une tension irrésistible comme si on assistait à un numéro de drague. Puis évidemment ce stupéfiant martch de volley-ball, à grand renfort de ralentis (encore) sur ces corps huileux qui s'ébattent ou s'étreignent langoureusement. Soudainement, l'intérêt se redresse au cours de ces moments hélas trop courts où le métrage de Scott tente le pas de côté. Quel comble pour un film où on s'envoie en l'air.
Top Gun préfère la jouer classique. Ces quelques oeillades n'iront pas plus loin, alors on nous intime de faire comme lui, regarder ailleurs. Heureusement, les vues aériennes restent spectaculaires parce que sinon, tout le reste n'a aucun intérêt. Vous remarquerez que le contexte est à peine esquissé, la notion de menace doit attendre la toute fin pour exister, et donc qu'est ce que ça raconte ? Une jeune tête brulée qui doit apprendre à la jouer collectif, et surmonter un trauma lié à papa. Voilà. Un script qui au mieux sent le réchauffé sinon ne passera pas le crash test. C'en est à tel point que le mieux consiste à couper le son entre les séquences aériennes tellement les scènes dialoguées évoquent les trous d'air. En toute probabilité, Scott s'en balance (comment lui en vouloir ?) et se lâche en altitude.
Une fois terminé, et en m'efforçant de conserver une certaine honnêteté, le statut de culte me paraît encore injustifié (désolé à Quentin Tarantino). Malgré quelques instants de sidération, malgré les coupes de cheveux, malgré cette bande-originale immortelle. Sinon d'accord mais dans un sens ironique, à l'image de certains autres monuments crétins labellisés 80's, les bourrineries Rambo 2 & 3 par exemple. Le pire étant qu'entre ces films et les deux Hot Shots !, bien malin celui qui arrivera à déterminer lesquels sont les plus parodiques.