Pour aimer ce film il faut avoir conscience en allant le voir qu'il s'agit d'une adaptation d'une pièce de théâtre, elle-même basée sur un livre qui jette les bases du masochisme. Tout le monde ne peut pas apprécier ce huis clos audacieux. Le scénario est par ailleurs très original :
seul dans un théâtre parisien après une journée passée à auditionner des comédiennes pour la pièce qu’il s’apprête à mettre en scène, Thomas se lamente au téléphone sur la piètre performance des candidates. Pas une n’a l’envergure requise pour tenir le rôle principal et il se prépare à partir lorsque Vanda surgit, véritable tourbillon d’énergie aussi débridée que délurée. Vanda incarne tout ce que Thomas déteste. Elle est vulgaire, écervelée, et ne reculerait devant rien pour obtenir le rôle. Mais un peu contraint et forcé, Thomas la laisse tenter sa chance et c’est avec stupéfaction qu’il voit Vanda se métamorphoser. Non seulement elle s’est procuré des accessoires et des costumes, mais elle comprend parfaitement le personnage (dont elle porte par ailleurs le prénom) et connaît toutes les répliques par cœur. Mais alors que l’audition se prolonge et redouble d’intensité, l’attraction de Thomas se mue en obsession
… La relation particulière qui se développe durant le film est très habilement menée par Polanski, et admirablement interprétée par les deux seuls acteurs, qui s'en donnent à cœur joie. Le texte est précis, constamment détourné et affiné par Emmanuelle Seigner qui nous charme et nous invite à l'abandon. Amalric est toujours aussi impressionnant, les deux comédiens investissent leurs rôles avec précision et la sobriété du décor, des éclairages et de la mise en scène forcent l'admiration. Magistralement réalisé, sublimement joué, incroyablement écrit... 1h30 dans l'intimité de deux personnages. Seuls, dans une salle de théâtre. Et pourtant pas un seul instant la tension ne retombe, pas un seul instant ce spectacle magnifique n'a déserré son étreinte sur mon jeune esprit avide de sensations cinématographiques fortes. D'un minimalisme qui touche au sublime, "La Vénus à la Fourrure" est véritablement un coup de génie. Une symphonie cinématographique d'une inventivité rare, portée par des acteurs extraordinaires et la virtuosité d'un cinéaste de génie. Les mots me manquent pour décrire mon état d'esprit à la sortie d'un visionnage aussi époustouflant. Déboussolé, hypnotisé, terrorisé, émerveillé... Voilà ce que j'appelle un vrai film d'auteur réussi ! Un film bourré d'intelligence et qui pousse la réflexion très loin mais qui n'oublie pas pour autant de mettre tout cela au service d'une bonne intrigue, avec un vrai rythme, des acteurs investis qui ne se contentent pas de parler, marcher, manger ou boire comme dans "la vraie vie", mais qui jouent aussi leur rôle, et avec une réalisation virtuose à la limite du transcendantal. Envoûtante et passionnante, cette fresque de Roman Polanski injustement boudée aux Césars est un coût de maître, et la preuve que le cinéma français est encore capable de prouesses ! Tout simplement grandiose, ce film est un petit bijou