Ah! si le jury de Cannes avait eu le moindre début du commencement de la notion de ce qu'EST le cinéma, il aurait remis la palme d'or à Roman Polanski. Oui mais voilà, le sociologiquement correct exigeait que l'on remette, cette année, le prix à un film parlant d'homosexualité, et de préférence réalisé par un représentant d'une "minorité visible". Le con d'Irène, euh pardon, le con d'Adèle était donc taillé sur mesure.
Thomas, petit jeune homme très intello, très 5eme arrondissement, en couple avec une Marie-Cécile.... souhaite adapter au théâtre le sulfureux opus de Sacher Masoch. Les auditions sont terminées, il n'a pas, mais alors pas du tout trouvé sa Wanda quand arrive une postulante non programmée. Elle se présente comme une espèce de radasse inculte, tout en cuir et en jarretelles, totalement à l'opposé de l'aristocratique héroïne. Parce qu'elle est saoûlante, il accepte de lui faire dire la première scène; parce que l'acteur destiné à donner la réplique est parti, il accepte de lui servir de partenaire. Métamorphose: elle EST le personnage.
Polanski s'était déjà essayé au théâtre filmé avec le fort réussi Carnage. Ici il va beaucoup plus loin, deux personnages, une action qui dure exactement le temps du film et le décor unique d'un théâtre miteux. Et une mise en abyme extravagante où les deux interprètes vont peu à peu devenir leurs personnages. Je ne suis pas, en général, très fana de Mathieu Amalric (qui ressemble beaucoup au jeune Polanski!) mais là il est épatant dans le rôle de cet intello content de lui qui se fait peu à peu bouffer, phagocyter par la mante religieuse. Vanda -eh oui, elle porte, ou du moins elle affiche, le même prénom que l'héroïne, passe du texte à ses propres appréciations: le personnage alors se transforme, elle reprend tous les tics gestuels et de langage qui la définissaient au départ. Puis sans transition elle enchaîne, rentre dans Wanda. Et, le trouble est à son comble lorsqu'à la fin de la pièce, elle convainc le malheureux d'inverser les rôles: c'est elle qui jouera Séverin, et lui, Wanda. Là le spectateur ne sait plus où il est. Qui est donc est elle, cette intruse bien moins inculte qu'elle ne le prétend, et qui sait tant de choses sur Thomas....
C'est splendide de subtilité et d'intelligence. Il y a des hommes amoureux de leur femme qui la cachent. Et d'autres, qui l'exhibent. Polansky appartient à cette catégorie, :mais, bon dieu, qu'Emmanuelle Seigner est belle! forte, dure, elle a eu par le passé d'autres beaux rôles, mais dans celui là, elle explose, littéralement. On ne peut la comparer à personne (sauf, peut être, à Faye Dunaway dans ses meilleurs jours).
Du grand cinéma, du vrai cinéma, intelligent, subtil, dont on sort moins bête. A voir à tous prix.