Une salle de théâtre, deux personnages. C'est ce que nous propose Roman Polanski dans son dernier long-métrage La Vénus à la Fourrure. Un peu léger sur le papier me direz-vous? Et pourtant... Le réalisateur franco-polonais a beau avoir 80 balais mais il a la forme et ça se voit sur ce film qui a tout pour paraître dans le haut du panier de la grande carrière de ce cinéaste qui n'a décidément pas froid aux yeux.
Thomas, metteur en scène, cherche l'interprète principale de son adaptation du sulfureux roman La Vénus à la Fourrure de Leopold von Sacher-Masoch (qui a donné son nom à une certaine pratique sexuelle connue, je suis sûr, de quelques-unes des personnes qui s'aventureront à lire ces lignes. Petits coquins...).
Après avoir auditionné des dizaines d'actrices bas de gamme, voilà que débarque Vanda, une blonde délurée, vulgaire et à priori bête comme ses pieds. Par pitié, Thomas lui accorde un essai. Mais sur scène, le vilain petit canard se transforme en cygne. Et on pourrait résumer ce dernier Polanski de manière très succincte à ça, un jeu du chat et de la souris teinté d'illusion et d'érotisme.
Dans la forme, le film n'est pas sans rappeler Carnage, le dernier film du réalisateur. Le huis-clos est ici encore plus efficace dans le sens où l'on sent l'absence d'échappatoire. Il n'y a que ces deux personnages qui vont se livrer à un étrange jeu de domination et de soumission. Un bon jeu de sado-maso quoi, mais filmé avec classe et avec une tension grimpant crescendo.
On ne saura plus quand les personnages jouent ou ne jouent plus, il y a une ambiance juste incroyable dans ce film. Et c'est en ça que l'ont voit que Polanski est un très grand metteur en scène. Car sa réalisation est cinématographique et s'éloigne radicalement du simple théâtre filmé. La gestion de l'espace et de la lumière est admirable. Et la musique de Desplat rajoute vraiment quelque chose en plus. Je m'attendais à un truc sans subtilité aucune (Desplat quoi) mais force est de constater que sa composition est une sacrée valeur ajoutée dans la création de cette ambiance assez oppressante, proche du cauchemardesque.
Et c'est jouissif à tous les niveaux. Thomas joue avec Vanda, Vanda joue avec Thomas, Vanda joue avec les décors, Polanski joue avec ses personnages, joue avec nous. Le résultat est aussi troublant que fascinant, on entre dans quelque chose de presque diabolique à la manière d'un Rosemary's Baby (toutes proportions gardées, cela va de soi).
Je n'ai pas lu le roman de machin Maso (de toute façon j'ai une culture littéraire de chiottes) mais ça me pousse à le découvrir, si c'est du même acabit que l'adaptation proposée par Thomas en tout cas. Le film grimpe peu à peu en tension, surtout en tension sexuelle. Et j'aime la tension sexuelle, j'aime voir des corps brûlants s'éloigner et se rapprocher, des regards appuyés, des gestes déplacés. Et tout ça grâce à une mise en scène précise en plus d'être très soignée sur un plan purement technique.
Difficile d'en parler davantage, je préfère laisser l'effet de surprise sur ce film qui entre assurément parmi les meilleurs de l'année en cours. Je suis rentré dans ce jeu fascinant entre deux personnages servis par deux interprètes de talent et des dialogues ciselés. Amalric est génial en metteur en scène qui se laisse aller à l'obsession et Emmanuelle Seigner est très convaincante et troublante en plus d'être incroyablement sexy. On comprend mieux le malaise du personnage de Thomas face à cette femme qui l'entraînera dans un envoûtant tourbillon charnel!
Voici donc un film remarquable, intelligent et surprenant. Roman Polanski ne perd pas de sa maestria en matière de cinéma et nous propose ici une oeuvre intense que je ne peux que vous recommander. Et y a même pas besoin d'être maso pour apprécier!