J'ai trouvé ce film très beau et magnétique. On commence à le regarder en restant parfaitement maîtres de nos moyens, puis peu à peu on se prend au jeu et on suit la pièce de théâtre, jusqu'au moment où l'on se demande à quel moment il s'agit de la « réalité » et à quel moment c'est juste la pièce. Il y a dans ce film une formidable mise en abyme sur la fiction : nous, spectateurs, sommes face à une fiction. Lui, metteur en scène, est face à une femme qui joue le rôle qu'il a adapté. Et finalement les rôles se brouillent, tout le monde perd les pédales, tant les personnages que nous, spectateurs. On en arrive à chercher où est le jeu et où est la réalité au sein-même d'un objet qui n'est, on le sait pourtant, que fictif (puisqu'il s'agit d'un film et en aucun cas du réel), et j'adore cette impression de me faire balader par le cinéma, j'aime les films qui réussissent à mettre en place une ambiance addictive dont on ne s'imaginerait pas sortir, ces films qu'on ne supporterait pas de devoir mettre sur pause, ces films qui jouent sur le fantasme et ses frontières... Et c'est sans parler de cette tension érotique géniale qui nous tient en haleine tout du long. Le passage de la Vanda « civile » à la Vanda « actrice » est fascinant parce qu'il s'opère, surtout au début, sans prévenir. On reconnaît une nouvelle fois le talent immense de Seigner dans cette aisance à jouer deux rôles quasi antagonistes dans une même scène, et même dans une même phrase parfois. Et c'est envoûtant parce qu'à mesure que le film se déroule, cette espèce de schizophrénie se fait plus discrète, plus sournoise, beaucoup moins identifiable... C'est ça qui nous fait perdre les pédales, c'est qu'on ne sait plus où on en est, on a envie d'y croire. Amalric joue extrêmement bien le type fasciné et obsédé. Le changement entre son personnage du début, rigide, son personnage du milieu, intrigué, et son personnage de la fin, totalement captivé et dévoué, s'opère avec une progression remarquable et très subtile. En fin de compte j'ai énormément aimé ce film, tant ses thématiques, son esthétique (oui, car les j'ai oublié de le dire mais les jeux de lumière sont magnifiques), son jeu d'une intensité merveilleuse, et sa tension. Devant la Venus à la fourrure, j'avais l'impression d'être face à Kaa, le serpent du livre de la jungle : totalement neutralisée, hypnotisée, prise en haleine. Ce film est un magnifique voyage.