Paul (Daniel Auteuil), éminent neurochirurgien, reçoit des beaux bouquets de roses rouges au quotidien, depuis quelque temps. Chez lui, à son cabinet privé, et à l'hôpital. Énigmatique.... puis agaçant.
Il fait assez vite le rapprochement avec une Maghrébine d'une vingtaine d'années (Leïla Behkti), qui s'impose dans son environnement, multipliant les rencontres "fortuites". Érotomanie, est la première idée qui vient au spectateur. Mais cette hypothèse ne résiste pas longtemps. La jeune fille se présentera comme "Lou Vallée" à la première occasion, et régalera le praticien d'une histoire familiale romanesque expliquant les différentes façons dont elle finance ses études d'histoire de l'art, quand des hasards successifs ne manqueront pas d'intriguer Paul.
Saisi par le Démon, non "de midi" (fixé jadis à la quarantaine), mais celui d'"Avant l'hiver" (l'hiver de la vie, auquel il accède doucement, ayant dépassé la soixantaine), le notable vit-il une passion amoureuse tardive ? Pas si simple.... Quelles sont les motivations de "Lou" : la recherche d'une tendre affection, peut-être même d'ordre paternel, ou bien le lucre (et dans ce cas, selon quel scénario) ? Le film s'ouvre sur une révélation en demi-teinte, mais sans ambiguïté, sur le sort de la jeune fille. Reste à dérouler la suite des événements ayant conduit inexorablement à cette presque conclusion, ébauchée notablement en prologue, et donc à mettre en scène deux autres personnages essentiels, Lucie (Kristin Scott-Thomas), l'épouse, aux longues journées vides (comme elle le dit elle-même), remplies à coup de jardinage expert dans le parc entourant la superbe demeure du couple le jour et de canevas le soir, quand elle ne garde pas sa petite-fille, enfant unique de son unique enfant, Victor - c'est une femme qui attend..., et Gérard (Richard Berry), l'ami depuis la fac de médecine, aujourd'hui psychiatre, toujours célibataire - c'est un homme qui l'attend, elle.....
Philippe Claudel réalise ici son 3ème long métrage, après avoir à nouveau conçu seul scénario et dialogues (particulièrement bien écrits, par le romancier qu'il est d'abord). Comme toujours sa mise en scène est précise et délicate - il procède par touches, avançant ses pions avec une lenteur calculée. "Il y a longtemps que je t'aime" était un mélo flamboyant (où rayonnait déjà KST), "Tous les soleils" empruntait plutôt le registre de la comédie. "Avant l'hiver" est une étude de moeurs et un drame. Réussis : grand souci du détail, personnages secondaires fouillés, même si, pour certains, en quelques traits seulement (comme la soeur de Lucie, alias Laure Killing), belle direction de bons acteurs (Leïla Behkti nettement en-dessous cependant d'Auteuil, Berry et KST), opportunes respirations musicales, tant grâce à la splendeur de l'opéra italien, avec Puccini et sa "Bohême", qu'avec le bouleversant et populaire "Comme un p'tit Coquelicot" de l'épilogue - raccourci saisissant de la vie de "Lou", entre "Mimi" et Mouloudji.
Facture "littéraire" (dans le bon sens du terme - pas de verbiage pompeux) et réalisation "classique" (là aussi dans un sens laudateur). Pour moi, un bon moment de cinéma - aux antipodes du film bobo, façon Garrel. Quel bonheur !