Après le simple mais réjouissant Tous les soleils (2010), Philippe Claudel monte en complexité et cherche à mêler crise de la cinquantaine, thriller et ménage à trois avec à l’appui le très élégant couple Daniel Auteuil / Kristin Scott Thomas. Une entreprise ambitieuse, sans doute trop.
Cent ans après la création du cinéma, la plupart des réalisateurs ne veulent apparemment toujours pas comprendre ou admettre que trois films en un n’ont jamais fait un film triplement meilleur. Avant l’hiver aurait ainsi simplement pu être un film sur la crise d’un couple rongé par l’ennui et les non-dits, porté par le jeu de deux acteurs irréprochables. Philippe Claudel nous montre d’ailleurs qu’il avait largement en main le talent pour faire un grand et beau film sur ce sujet certes pas nouveau mais toujours intéressant à revisiter, une bonne partie de son film parvenant subtilement à embrasser ce projet.
Tout comme dans son précédent film, Philippe Claude sait tout d'abord soigner l'atmosphère sonore de son film, la place qu'il y accorde encore une fois à la musique lyrique installant une ambiance très personnelle et tout à fait en phase avec le cours et le fond du récit. Formellement parlant toujours, Avant l’hiver sait aussi se faire poétique quand il le faut, notamment par d'élégants plans paysages dans la brume hivernale qui filent intelligemment la métaphore. Enfin, le parti-pris de montrer très peu et de sous-entendre beaucoup est parfois peut-être un peu excessif mais est parfois pertinent et donne une tonalité particulière à cette histoire gangrénée par le doute et la paranoïa.
Mais Philippe Claudel n’en reste malheureusement pas là et ajoute à ce projet initial une couche de mystère certes intrigante mais pas forcément nécessaire à l’ensemble. Construisant à l’intérieur de son film une seconde intrigue flirtant avec le thriller, il impose au spectateur une complexité supplémentaire qui ne semble au final pas apporter grand-chose à l’histoire principale, qui finit d’ailleurs par s’effacer au profit d’un second récit assez peu vraisemblable. Se forçant alors à écourter ses scènes et ses dialogues parfois au-delà du raisonnable pour installer un suspense de polar, il finit par négliger la promesse de drame intime qui nous avait pourtant attiré dans la salle, et qui ne semble au fond pas tant l’intéresser que cela.
Sous-utilisant par là même le répertoire de Kristin Scott Thomas, autant reléguée à un rôle de faire-valoir au fil du film que l’est son personnage, il fait d’Avant l’hiver un film finalement très masculino-centré et aussi égoïste que son héros, et qui ne dit pas là même plus grand-chose. On ne sait d’ailleurs pas trop quoi penser du très elliptique rôle qu’il offre à Leïla Bekhti, contrainte d’essayer de faire beaucoup avec peu, et encore moins de celui de Richard Berry, dont le personnage gagnerait à être beaucoup plus présent qu’il ne l’est.
On ne s’étonnera donc pas que Philippe Claudel ait avoué avoir fait ce film en grande partie pour le plaisir de filmer Daniel Auteuil, la volonté forcenée de le mettre au centre de tout étant au final le seul véritable fil rouge de son film, qui en avait pourtant un autre qui aurait gagné à être traité avec plus de persévérance. Tant pis, on aurait pourtant bien aimé le voir vraiment cet hiver.