Alex de la Iglesia, fantasque cinéaste ibérique au parcours pour le moins chaotique, quoique reconnu, s’illustre une nouvelle fois comme le foldingue de service en faisant découvrir à son public, principalement, les sorcières de Zugarramurdi. Si tout commence sur les chapeaux de roue, une scène de braquage en plein Madrid pour le moins originale, si tout continue sur une bonne lancée, le cinéaste finira par en faire beaucoup trop, noyant sa comédie horrifique jusque là très agréable sous un déluge de pastiche, de kitsch et d’invraisemblance malvenues. Comment faire d’un projet alléchant un film finalement presque agaçant? Alex de la Iglesia semble avoir la réponse à cette question tant il massacre lui-même tout l’attrait de son œuvre. Pour autant, ne crachons pas dans la soupe et avouons sans trop nous rendre ridicules que les sorcières de Zugarramurdi offre son lot de scène débridées qui font du bien là ou elle passe.
La vision du dernier né de la Iglesia est surtout une excuse pour retourner côtoyer un cinéma espagnol qui ne cesse de prendre de l’ampleur, un peu à l’image du cinéma scandinave, à titre de comparaison. Alors que les gens du nord officie, excellent, dans le registre du thriller, les espagnoles, quant à eux, brillent par leurs inspirations aussi bien horrifiques que fantastiques. Dès lors, peu surprenant d’y voir là un film d’horreur comique traitant de sorcellerie, mais pas que. En dépit des mauvaises critiques ayant fustigées dès la sortie en salles du film, le concept est élégant. Oui, beaucoup auront reprochés au cinéaste d’avoir mis en scène un film hautement misogyne. Certes, le tableau dressé de la femme contemporaine en début d’aventure n’est certes pas très gracieuses, mais n’oublions pas finalement qu’il est question aussi de vengeance. Si l’homme discrimine la femme, au travers d’une première partie à son avantage, bien vite la femme discrimine l’homme. Peu importe cette facette du scénario, nous ne sommes finalement pas venu pour nous prendre la tête.
Ce qui nous intéresse finalement chez le réalisateur espagnol, c’est le coté fun de ses films. Ici, l’on ne déroge pas à la règle, alors même que certaines séquences sont d’un profond ennui. Tout n’est pas foncièrement réussi, loin de là, je pense notamment à la longue et laborieuse séquence finale, mais le travail de réalisateur permet la venue de quelques excellentes réparties, de quelques lumineux instants de n’importe quoi. L’on se retrouvera donc souvent le sourire aux lèvres alors qu’un mec se fait couper l’oreille, scier le poignet ou arracher les dents. De l’humour noir pur et dur, pas toujours très abouti, malheureusement. Coté artistique, si quelques belles idées sont habilement exploitées, il est pourtant aisément constatable qu’un film fantastique européen, espagnol, en l’occurrence, ne bénéficie pas du même appui technique et financier que les hits américains. Bref, certains passes entre sorcières sont à la limite du mauvais goût.
S’il n’est pas mémorable, il en faudrait bien d’avantage, les sorcières de Zugarramurdi est un film acceptable, divertissant et qui malgré son contexte, aurait tendance à mettre de bon humeur, un bon début. Beaucoup trop de largesses, beaucoup trop d’imprécisions, mais un univers plaisant, décalé. J’admire par ailleurs beaucoup la séquence de braquage pour son originalité, le Christ argenté en son Shotgun, fallait y penser. Bref, du bon et du mauvais, prenons au moins le bon. 08/20