Après un court prologue ("la divination"), ce nouveau film de l'iconoclaste Álex de la Iglesia démarre sur les chapeaux de roue - la revanche des "gueux" (les citoyens espagnols durement touchés par la crise), avec un étonnant hold-up Puerta del Sol, à Madrid. Mais le grain de sel dans cette astucieuse mécanique s'appelle "Sergio",10 ans, que son père divorcé, Jose, la bonne trentaine, a dû emmener avec lui.... Quand la voiture prévue fait défaut (par l'impéritie d'Antonio/"Tony", le deuxième larron, 26 ans), les fuyards s'invitent à bord d'un taxi, déjà occupé, avec le butin, atypique. Direction la France (et Disneyland !), les flics aux trousses, bientôt semés cependant. Cette première partie est très réussie, inattendue dans sa dramaturgie d'origine, rythmée et cocasse.
Quand la fine équipe arrive en vue de la frontière française - deuxième partie - cela se gâte un peu.
Zugarramurdi est un charmant village basque (en fait un agglomérat de plusieurs hameaux), côté espagnol, comptant aujourd'hui environ 200 habitants. Au début du 17ème siècle eut lieu un procès en sorcellerie à Logroño, au cours duquel, des 40 villageois de Zugarramurdi mis en cause, une douzaine fut condamnée au bûcher, la plupart des autres étant exilés. De cette anecdote authentique, les scénaristes tirent argument pour la suite du récit, mais en faisant du lieu un repaire de sorcières, très "féministes" et toutes apparentées - les rares hommes étant réduits au servage. L'ambiance "Bal des Vampires", embranchement "Brujas" ("sorcières") est moyennement créative, et les péripéties patinent nettement - même avec l'arrivée de Silvia, l'ex de Jose, qui a réussi à pister le taxi et veut récupérer son fils, elle-même "filée" par 2 inspecteurs madrilènes.
La troisième partie ("le rite") s'annonce grandiose - mise en scène imposante, des figurantes par centaines, du mystère, une superbe reconstitution des grottes de l' "Akelarre" ("lande du Bouc"), où se tenaient les sabbats supposés, une entité satanique, entre la figure monstrueuse de carnaval et la déesse-mère stéatopyge et mangeuse d'enfants..... Mais le suspense tourne court. Et l'épilogue déçoit plus encore..
En fait, le cinéaste réussit moins bien qu'à l'ordinaire le cocktail grand-guignol (reprenant les codes de "l'Hénaurme", macabre et sanglant, et jouant avec) et satire sociale - ici, fable outrée sur l'incompréhension hommes/femmes, et la (re)conquête des secondes sur les premiers. Moins de surprises, moins d'absurde, moins d'allègre méchanceté que dans "Mes chers Voisins" ou "Le Crime farpait" - sans doute à cause du "medium" choisi, historique et légendaire, et non pas ancré dans la vie ordinaire, comme les deux films évoqués.
On s'amuse pour autant souvent, et Carmen Maura ("Graciana", la mal nommée : les "Gratienne" sont des femmes réservées) est toujours épatante !
L'iconographie du générique de début, impertinente (Angela Merkel en "sorcière") et l'affiche, façon portrait de groupe très inquiétant, sont réussies.