"Joe", drame rural aux allures de film noir puise sa puissance émotionnel dans l'interprétation impeccable de Nicolas Cage qui réalise un tour de force génialissime, faisant taire toutes les langues de bois qui l'avaient enterré. Le film insuffle une certaine mélancolie sudiste ( très présente dans le cinéma de Jeff Nichols, ami du réalisateur), qui épouse parfaitement le côté brutal et archaïque de cette Amérique minière et dépaysée. Le personnage de Joe, bien que terriblement cliché, charismatique à souhait sous sa carapace de fauve inexpressif nous touche à travers ce gamin, exprimant le côté émotionnel de sa personnalité, se mettant à nu. Inexorablement, il se découvre et se fragilise, ce qui le mènera inévitablement à sa perte. Or, cette quête paternaliste qu'il lie avec ce jeune garçon permet d'en faire un homme meilleur, trouvant enfin un but à une cause qui le rapproche de cette vulnérabilité et cette tristesse enfuie dans son inconscient depuis bien trop longtemps. La trame narrative révèle un être complexe et tourmenté, blessé par la vie. cette dernière, simpliste décime tout de même une réelle profondeur dans un contexte social rude. Le personnage de Tye Sheridan touché par cela, se dévoile comme étant indéniablement la représentation d'une jeunesse bafoué par les méandres de la perversité viscérale humaine. L'émotion qui se dégage du film reste nuancée et conservée pour finalement éclater dans un final dénué de toute originalité et de surprise; la violence, quant à elle, est à l'image de son personnage principale, brute. La brutalité du film, et d'une scène en particulier peut trouver tout son sens dans la chute du père, perdant peu à peu pied, dénoué de tout sens moral, anéanti par l'alcool, perdu et piégé de cet esprit malade dévasté par les péripéties malheureuses d'une vie raté. Le personnage est très fort, et bien interprété par un acteur inconnu qui s'avère être un clochard dans la vie réelle, aussi étonnant cela puisse paraître. Dans "Joe", la violence n'est jamais réellement justifiée, le fait est qu'elle a toujours été présente, et que cela rentre dans la normalité des choses, ce qui est particulièrement amorale, mais trouve tout son sens lorsqu'il s'agit de survie. Le film réussi aussi de la meilleure des manières à immerger son publique, en installant peu à peu ce climat dur, tout en diversifiant et allégeant son sujet de magnifique prise de vue sublimée par une photographie irréprochable. Le metteur en scène joue beaucoup sur le rôle des grands espaces et de la nature apportants chaleur et réconfort. Permettant ainsi de jouir d'une ambiance en pleine conformité avec le côté sauvage de l'homme reflété par ce récit sincère, plein de bons sentiments, trop peut être, pour être tout à fait réaliste. Le contexte dramatique ne sombre étonnamment pas trop dans le tire-larme, restant honnête, sombrant certes, dans une formalité scénaristique, mais gardant une part de sincérité non-outrancière assez plaisante. "Joe" marque donc le retour en force d'un Nicolas Cage dans un cinéma plus intimiste comme à ses débuts; la naissance de deux nouveaux talents que sont le jeune Tye Sheridan ( vu dans "Mud") et de David Gordon Green réalisant en toute sobriété sans grands effets de mise en scène, une fable sudiste poignante et forte, rappelant que le cinéma indépendant américain reste bien meilleur que les grosses productions hollywoodienne.