De son aveu propre, Guiraudie en avait marre de faire des comédies, de ne pas se prendre au sérieux, marre de filmer l'amour gentillet. Cette fois, il veut s'attaquer à l'"amour-passion". Le projet est clair : faire un film fort, puissant. Pour y parvenir, pas de symphonies malheriennes, mais à l'inverse une grande épure : pas de musique, un décor unique, un travail rigoureux sur la lumière, le son, avec une influence bressonnienne prononcée. Mais même quand il veut s'en débarasser, la comédie colle à la peau de Guiraudie. Son film n'a eu de cesse de provoquer le rire, même à la fin, quand la nuit prend le pouvoir. Peut-être ne peut-il s'empêcher d'être drôle, ou peut-être est-il condamné par un public trop connaisseur à un rôle de boute-en-train insouciant, mais force est de constater qu'il n'a pas réussi à faire le film qu'il voulait. Mais tant pis, si L'Inconnu du lac n'est sûrement pas un grand film, il transpire la sincérité, la douceur, même dans la violence et le danger. C'est un film d'une grande tendresse envers tous ses personnages, un film presque anti-provocateur dans le traitement - paradoxalement - très sain qu'il donne au sexe. Un film accueillant, chaleureux, peut-être un peu trop compte tenu de ce qu'il veut faire passer, mais tellement agréable, sympathique, qu'on ne peut qu'être séduit par cet Inconnu du lac. Non, le film n'a que les défauts d'une trop grande ambition, mais si on le prend pour ce qu'il est - un petit film - alors il révèle toute l'étendue de son sex-appeal.