L’inconnu du lac…C’est donc un film gay qui met en scène des homosexuels de province. Premier bon point, il en existe ailleurs qu’à Paris, ailleurs que dans le Marais, ailleurs que dans les grandes villes. Deuxième bon point : ce ne sont pas des mecs branchés, la plupart son moches, gros, vieux et pas glamour, à part deux des personnages principaux. Le pitch ? Un lac, lieu de drague pour hommes. Des rencontres, des plans culs, du sexe dans les bois. Un flash entre Frank et Michel, une histoire d’amour qui démarre. Un cadavre remonte à la surface…Frank sait que Michel est le tueur, mais l’attirance reste plus fort que tout, jusqu’à perdre la raison.
C’est un film sans femme, sans musique, et sans intérieur, qui respecte les trois unités du théâtre classique. C’est un film où l’on prend le temps de regarder, où certains plans durent plus de 5 minutes, comme la scène de la noyade, qui est d’ailleurs filmée à des kilomètres des comédiens, dans une sorte de discrétion glaciale. Il y a une vraie mise en scène, contemporaine, modeste et humble, qui ne ressemble à rien de connu, une mise en scène solaire et sombre à la fois, une lumière sublime, un rythme parfait et des comédiens extraordinaires. Guiraudie montre ce que sont aujourd’hui les rapports entre personnes de même sexe, rapports violents, tendres, méchants parfois, tant modifiés par les années sida, mais souvent teintés d’humour malgré tout, humour noir bien sur.
Rares sont les metteurs en scène qui laissent le réel s’inviter dans leurs films, comme ce plan où la lumière change, parce qu’un nuage passe devant le soleil…tout s’assombrit, pour revenir lumineux au bout de quelques secondes.. Les raccords ? Guiraudie s’en fout comme s’en foutait Cassavetes…d’ailleurs cette référence ne me fait pas peur, on y est presque dans le côté « urgence de filmer » et dans la façon de raconter une histoire apparemment simple. C’est un film sincère, honnête, certes à ne pas mettre entre toutes les mains…ici on ne triche pas et parfois la vérité peut être dérangeante. Prudes et autres coincés du cul, s’abstenir ! Ici on montre tout ! Tout le temps, longtemps, et sous toutes les coutures, vous serez prévenus !
Je ne comprends toujours pas pourquoi ce film ne figurait pas dans la sélection officielle au dernier festival de Cannes…mais lorsque j’entends qu’à Versailles et St Cloud l’affiche (un dessin où l’on voit deux mecs se rouler une pelle) a été interdite, je commence à avoir une petite idée…Sinon vous l’avez compris, je recommande plus fort que d’habitude !