Mea Culpa est le troisième film du français Fred Cavayé, pour l’occasion il réunit les deux acteurs de ses deux précédents films : Vincent Lindon (qui avait joué dans Pour Elle de Cavayé, donc) et Gilles Lelouche (qui avait joué dans A Bout Pourtant). Avec ce film, il confirme (apparemment) son statut de maître du polar nerveux français, pas très compliqué me direz-vous tant le cinéma français se résume malheureusement trop à des comédies grand public pas forcément drôles ainsi qu’à des films d’ « auteurs » déprimant où la moitié des personnages veulent se pendre (tandis que l’autre moitié passe son temps à se larmoyer sur leurs vies si minables). C’est d’ailleurs bien pour ça que je ne vais jamais au cinéma pour voir un film français, les seuls qui pourraient peut-être intéressant sont ceux dont on parle le moins, les petits films indés par exemple, voués à disparaître tant le système économique du cinéma de notre beau pays est instable. Mais, il n’est pas ici question de faire un état des lieux de ce cinéma mais plutôt de critiquer ce fameux Mea Culpa tant attendu et que j’ai donc été voir (après près de 3 ans sans avoir vu un film français au ciné).
Et il est clair que ça fait du bien de voir un tel film sortir dans le paysage français, Cavayé, sans pour autant passer pour le boss du polar, reste dans la droite lignée de ses précédents films (enfin plutôt de son précédent film, n’ayant pas vu Pour Elle) tout en s’étant améliorer de manière significative dans sa mise en scène. A Bout Portant se laissait agréablement suivre mais manquait cruellement de puissance et de rage dans la réalisation, alors qu’ici on a parfois l’impression de regarder un film de Gareth Evans (le réalisateur de la pépite indonésienne The Raid), surtout lors de la longue scène dans la boîte de nuit où les gunfights sont impressionnants de brutalité, grâce à un excellent mixage sonore mais surtout une mise en scène d’une maîtrise assez incroyable (à se demander si on se trouve vraiment en face d’un film français) ainsi qu’un jeu de lumières digne de Trance de Danny Boyle (avec ses nombreux reflets et ombres des miroirs) et même du génie Winding Refn avec ses nombreuses couleurs crépusculaires présentes dans le trop sous-estimé Only God Forgives (et même une photographie semblable à celle de Drive dans les scènes nocturnes d’extérieures). D’ailleurs, chose très surprenante, c’est Cliff Martinez qui s’est occupé de la B.O. , le compositeur fétiche de Soderbergh mais surtout le gars qui a bossé sur les deux derniers films de Winding Refn (qui étaient Drive et Only God Forgives), autant dire un excellent compositeur qui déçoit un peu ici, ses musiques sont bonnes mais venant de lui on pouvait s’attendre à un peu mieux que ses compos classiques, on sent que le travail a été vite fait, mal fait.
L’histoire, écrite par Cavayé (scénariste de tout ces films), a également été un peu bâclé, on savait déjà que le scénario n’était pas le point fort des films du metteur en scènes, pas foncièrement mauvais, juste trop classique. Et là, c’est plus du classicisme c’est carrément du cliché, autant le flic un peu ripoux qui se paye une ou deux p*tes par ci par là dont on suppose que le décès de sa femme y est pour quelque chose où encore les mafieux venant de l’Est, ça passe vu qu’il y a une part de vérité là dedans (je dis pas que tout les veufs se tapent des prostitués pour tuer les temps mais l’approche qui y est faite est assez « réaliste ») et que ces éléments n’influencent pas le cours de l’histoire (les mafieux auraient pu venir de Taumatawhakatangihangakoauauotamateaturipukakapikimaungahoronukupokaiwhenuakitanatahu ça n’aurait rien changer… c’est une ville de Nouvelle-Zélande, au coup où certains se demanderaient, Dany Boon et son volcan, ce sont des débutants à côté de ça). En revanche y a des clichés qui sont impardonnables, comme le gamin de 10 ans qui court plus vite qu’un homme de 35 ans, ok ce dernier boite un peu mais alors pourquoi l’avoir envoyé à la poursuite du gamin si il sait pas courir correctement ??? Les mafieux seraient-ils à court de recrues ?
Mais le pire du pire c’est quand même les flaschbacks du film, je ne suis pas contre l’idée d’en mettre afin d’étoffer un peu les personnages mais essayer au moins de faire ça BIEN ! En tout cas, faire autrement que de nous envoyer ça dans la gue*le sous raison que c’est ce à quoi Vincent Lindon pense pendant qu’il est dans un bus, la subtilité, ça te dit quelque chose Cavayé ? Mais le summum de la lourdeur est atteint à la fin du film, lors de la révélation finale (justifiant ainsi le titre Mea Culpa (qui pourrait se traduire « par ma faute »), toujours sous forme de flashback avec un joli filtre bleu dégueu’ pour bien faire comprendre au spectateur un peu c*n que, oui, c’est un souvenir. Ce twist, donc, arrive comme un cheveux sur la soupe, pourquoi ne pas l’avoir mis avant la fin du film ! Il aurait été beaucoup plus intéressant de faire de ce flashback (lié à ceux que l’on voit lors des 30 premières minutes) une scène à part entière au début du film, ça aurait rendu le final beaucoup plus émouvant et moins lourd, là on a juste l’impression que le réalisateur français nous prend pour des imbéciles. Puis bien sur le dernier plan de ce Mea Culpa, niais au possible et très américain pour le coup (à croire que le réalisateur veut à tout pris s’approprier ce cinéma, les bons comme les mauvais côtés), là encore, c’est très mal amené et tellement inutile.
Heureusement, les deux acteurs principaux nous font un peu oublier ce déferlement de conneries (car à ce stade-là, on peut appeler ça comme ça), surtout Vincent Lindon, l’un des trop rares acteurs français vraiment charismatiques, qui livre comme à son habitude une excellente prestation, à la fois très froide, mélancolique et émouvante (quel regard !!!), il brille surtout lors de la (étonnamment) longue scène d’exposition (presque 30 minutes) mais également lors de ces flaschbacks, faisant un peu oublier la paresse du réalisateur. Quant à Gilles Lelouche, il prouve encore une fois que la comédie n’est pas le seul registre où il peut se démarquer des autres (même si le film est étonnamment drôle à quelques reprises).
Mea Culpa est donc très imparfait de « par la faute » d’un scénario enchaînant les clichés et maladroit lorsqu’il s’agit de donner de la profondeur aux personnages, mais la puissance émotionnelle du duo d’acteurs et la rage de la mise en scène arrive à légèrement estomper ces défauts.
Et puis, on ne va pas faire la fine-bouche, c’est un film français…