Boum ! Tout débute il y a dix ans sur un sérieux air d'apocalypse en provenance d'une explosion d'un laboratoire en plein milieu de Chicago (quelle idée de l'avoir installé là aussi...). Mais cette fin du monde qui décima une partie de la population en Illinois n'était en réalité que le début d'une nouvelle ère pour l'humanité, celle d'une coexistence avec ceux qui se feraient appelés les "rémanents". À l'instar des bombes nucléaires lâchées sur Hiroshima ou Nagasaki qui voyaient la silhouette de certaines victimes à jamais gravée dans les décors de ces lieux funestes, celle de Chicago a provoqué un phénomène similaire mais encore plus étrange en ramenant l'image de certains morts dans notre monde. Comme si des espèces d'empreintes résiduelles de personnes décédées se retrouvaient prises au piège d'un mini-passage de leurs anciennes vies tournant en boucle à des horaires bien définies, on vous laisse imaginer le calvaire des vivants et surtout de leurs anciens proches obligés de cohabiter avec l'image d'un être aimé les ayant quitté...
C'est d'ailleurs le cas de Veronica, une jeune lycéenne prenant des douches toute maquillée (bon, ok, c'est un détail mais c'est bizarre tout de même) et qui, chaque matin, prend le petit déjeuner avec sa mère... et son père décédé, du moins cette image intemporelle de lui avec qui elle a partagé tant de réveils avant sa disparition. Par l'intermédiaire de cette adolescente, nous voilà plongés à la découverte de cet univers somme toute assez génial où le fait de se retrouver nez-à-nez avec un fantôme est une chose on ne peut plus commune et surtout ô combien tragique, renvoyant sans cesse les vivants à l'image anecdotique que leurs existences signifient devant l'anonymat et la banalité de ces apparitions. Le quotidien de ce monde est ainsi fascinant à explorer par le sentiment d'inédit que cette greffe entre le film de fantôme et celui post-apocalyptique provoque mais aussi par l'ambiance étrange qu'il s'en dégage à travers sa poésie inattendue, la tristesse de la vision d'un proche ou la manière dont tout cela est régi par un ensemble de lois amenées forcément à se briser.
Eh oui, évidemment, notre héroïne lycéenne va vite se retrouver face à un dérèglement avec l'arrivée d'un nouveau rémanent encore plus louche que les autres dans sa propre maison et ayant apparemment l'envie de communiquer avec elle. Leur rencontre va devenir les prémices d'une enquête assez prévisible et qui va nous faire rapidement dire qu'il y avait sans doute beaucoup mieux à raconter dans un cadre aussi attractif...
Bon, certes, d'un côté, grâce à quelques chemins de traverse un peu bancaux, cette intrigue policière va nous permettre d'en savoir plus sur ce monde passionnant et même nous offrir des séquences qui vont franchement sortir du lot (la partie en ville est juste magnifique par toutes les possibilités qu'elle offre, sorte de décor/climax ultime de cet univers) mais, de l'autre, on a vraiment l'impression d'assister à une enquête adolescente bourrée de lieux communs comme on en a déjà vu des dizaines dans des petits films de teen-épouvante. Et c'est cruellement dommage de passer par un tel lot de banalités vu tout le potentiel qu'offre la folie de cet environnement ! Cette intriguee réservera heureusement quelques petits détails surprenants mais, dans ses grandes lignes, elle suit un schéma archi-connu où le couple de héros sera presque par obligation tenu de remonter aux origines de cette histoire pour enfin résoudre le cas qui les intéressent et leurs maux intérieurs respectifs. "I Still See You" suit une telle route balisée que son twist final se grille tout seul à des kilomètres et demande d'accepter naïvement des données assez bizarres (l'importance d'une certaine date sans trop en dire) pour gober l'intégralité de l'affaire alors que celle-ci ne demandait pas forcément une telle fournée de précisions irrationnelles. Ainsi, sa dernière partie qui aurait dû être un feu d'artifice avec sa révélation est en fait la plus banale du film par sa construction. Le film n'en est pas mauvais pour autant sur ce plan, on est loin de passer un mauvais moment en compagnie de Bella Thorne et de toutes ses interrogations, il est juste tristement prévisible, pris au piège de sa structure connue par avance, là où l'on en attendait beaucoup plus au vu de l'originalité de son univers.
Cela dit, on aura rarement vu une adaptation de la littérature young adult ("Break My Heart 1000 Times" de Daniel Waters) nous étonner autant par l'inventivité de son environnement offrant une multitude de situations que l'on n'a jamais vu ailleurs. C'est sans nul doute la plus grande et belle qualité de ce "I Still See you", parvenir à créer quelque chose de nouveau avec deux genres dont on croit tout connaître, il est simplement dommage que l'on ait choisi d'y raconter une histoire dont le déroulement, lui, n'a pas grand chose d'inédit...