Scott Derrickson, l’homme derrière le récent et convenable Sinister, replonge dans les entrailles de l’enfer pour nous livrer un nouveau film d’épouvante dans une veine très académique. En dépit des allégations très vendeuses qui consistent à dire que le film s’inspire d’évènements réels, selon les mémoires du vrai Ralph Sarchie, policier au NYPD, Délivre-nous du mal n’est somme toute qu’une énième relecture du mythe du démon grattant sous le plancher. Décidément, la scène finale du présent film le démontre, William Friedkin et son Exorciste, en 1973, a frappé un grand coup et ne dénombre plus maintenant les copistes et autres amateurs de relecture. Voilà donc, en le disant très crument, une sorte de remake de l’Exorciste en version polar, en version film policier. Certes, cette comparaison est simpliste mais l’on ne peut s’empêcher d’y penser. Pour autant, et fort heureusement pour le public, Délivre-nous du mal offre tout de même quelques originalités, une certaine forme d’indépendance notamment de par sa mise en scène très réussie.
Oui, l’atout du film réside simplement dans le travail du directeur de la photographie, du travail relativement esthétique de Scott Derrickson, qui démontre qu’il serait tout à fait capable de travailler hors des frontières du cinéma horrifique. Bien aidé par un Eric Bana plus photogénique que jamais, le réalisateur livre un film intéressant sur le plan visuel, bien plus intéressant d’ailleurs que cette nouvelle tentative d’effroi par la venue d’un démon d’outre-tombe. Par ailleurs, cet atout permet notamment, et c’est sans doute le plus important, de rendre la métropole new-yorkaise aussi sinistre qu’un cimetière une nuit d’orage. Oui, le cinéaste aime l’obscurité et les plus abondantes, et il le leur rend bien. Aucun rayon de soleil ne vient donc illuminer le théâtre des opérations. Notons également, tout en l’honneur du réalisateur, que ses effets visuels, notamment sur les démons, les scènes sensées être gores, sont très réussis car ne versant jamais dans la surrenchère.
Passé sur une très belle réalisation, que reste-il vraiment à découvrir dans ce Délivre-nous du mal? Eh bien finalement très peu de chose si ce n’est l’usage de codes usés jusqu’à la corde. On connaît tous la musique, même si certains en sont pourtant terrifiés, ou du moins perturbé. Le démon, en réalité l’hôte possédé, est scarifié, collectionne les plaies. Ses cris et ses multiples changements de voix sont terrifiants, ses mouvements sont inhumains. Mais hormis cela, nous ne découvrons ici aucune nouveauté dans le genre. Bien au contraire, Scott Derrickson fait preuve d’un tel respect des codes de ses aïeux qu’il ne parvient jamais à surprendre, quand bien même, et c’est à la mode, le film est basé sur le concept du Jump Scare.
Voilà donc un film d’horreur prometteur de par sa mise en scène mais diablement trop académique pour sortir du lot. Sorte d’hommage maquillé à l’Exorciste, inévitablement, Délivre-nous du mal ne parvient jamais à s’affranchir de ses modèles, et ce même si l’orientation vers le polar aurait permis une meilleure lecture du drame qui se joue dans la vie de Ralph Sarchie. Finalement, ce n’est rien qu’un film horrifique de plus, sans évolution, sans originalité, sans audace. Les amateurs du genre apprécieront tout de même. 09/20