Après son dernier long métrage torturé, « La piel que habito », Almodovar s'oriente vers un tout autre registre, bien plus aéré et comique.
L'histoire nous enferme en grande partie dans un huis clos théâtral. Plus précisément elle se déroule dans un avion, où vont se côtoyer sept personnages, ainsi qu'une équipe de trois stuart homosexuels, et de deux pilotes ayant des tendances sexuelles parfois bien trompeuses. On se rappellera Le labyrinthe des passions qui, comme une œuvre inachevée et laissée par Almodovar, laisse place aux Amant passagers, apparaissant alors comme la continuité exacte de la fin de ce précédent film. Durant ces turbulences bien des choses vont, comme le dit Bruna, « changer l’existence » de ces passagers...
Acheter une place pour Les amants passagers, c'est se payer un billet en destination d'une comédie surréaliste, démesurée, mais paradoxalement pleine de sincérité. En effet au début une entête nous signale en guise d'avertissement, que tout ce qui va se dérouler sous les yeux du spectateur se détache entièrement de la réalité. Cette amorce est intéressante, car elle vient immédiatement briser l'effet d'illusion, de réalisme caractéristique de l'art cinématographique. Un peu comme le célèbre « Ceci n'est pas une pipe » de Magritte, à sa manière Almodovar nous met en garde sur le fait que son œuvre est entièrement fallacieuse. Il jouera d'ailleurs tout au long sur ce fait, en nous exposant des événements plus invraisemblables les uns que les autres : partant d'un équipage totalement perverti par l'alcool en plein vol, aux pressentiments mystérieux d'une médium (paraissant plus folle que médium), et terminant par une orgie collective en classe affaire. Il est toujours plaisant de voir combien un réalisateur ayant une telle notoriété, peut ne pas se prendre au sérieux, se permettre de s'amuser et donc de nous amuser. Le rire ne s'arrête pas tout au long de farce énergique et si bien rythmée, ponctuée par pleins de rebondissements inouïs et d'humour dans les dialogues. Les musiques, et particulièrement la danse des Pointed Sisters, participent également de cette cadence frénétique. Les couleurs criardes des costumes, qui dénotent du style très pop d'Almodovar, la lumière intense toujours très présente, sont tout autant d'ingrédients contribuant à cette vivacité. De manière plus grossière, à traverse tout cet humour et ces péripéties incroyables, on pourrait dire que Almodovar vend au spectateur « du rêve », comme il nous le rappelle au début.
Pourtant la fable lui permet de nous rendre compte d'un malaise qui guette notre société, dans un climat de plus en plus en débauche. Tout est dans l’excès. La caméra flirte même avec l'irréel l'impensable. Et bien que Almodovar grossisse tout cela, il nous rappelle combien les dérives nous entourent. Il est d'ailleurs intéressant de noter combien ces derniers temps, on remarque une kyrielle de films empruntant aussi comme principale thématiques tous ces débordements contemporains : Projet X, Le monde de Charlie, ou encore plus récemment à l'affiche Spring Breackers.
Malgré tout cela, Les amants passagers reste une comédie hilarante, avec une distribution sans fausse note. Prêt pour un décollage vers le « septième ciel », attachez vos ceintures !