Pedro Almodovar continue à surprendre ses admirateurs ; il semblait s'installer dans des mélodrames assez uniques en leur genre (Parle avec Elle, Volver) et un passage dans le thriller aussi noir que déjanté (La piel que habito), le voilà qui revient à la comédie absurde, celle qui a fait son succès lors de ses débuts. Les amants passagers nous emmène dans un avion qui cherche désespérement une piste pour atterir, et va obliger une galerie de personnages farfelus à vivre une sorte de catharsis. Le film est original et assez équilibré malgré tout : le décor de l'avion comme huis-clos fonctionne bien, l'équilibre narratif des personnages est très juste, des membres de l'équipage aux passagers. Je regrette juste la sortie de l'avion lors des scènes de Madrid, qui font perdre un petit peu de rythme. La mise en scène gère assez bien cette structure, évitant le piège du théâtre filmé avec une bonne variation de plans. Cela dit, le cinéaste espagnol se repose surtout sur ses acteurs (tous excellents) et son scénario, en nous offrant seulement une folie esthétique, une scène chorégraphiée appellée à devenir culte, qui est à la fois hilarante et très inventive visuellement. Le casting, revenons-y. Le film réussit à placer un grand nombre de personnages délirants en donnant une place à chacun de façon très équilibrée. On retrouve en vrac, une femme maitresse dominatrice célèbre (excellente Cecilia Roth), un jeune couple accro, ou encore une voyante obsédé y a aussi les membres de l'équipage, tous homos ou presque, qui vont volontairement dans l'exagération des clichés pour faire rire. J'aime beaucoup le co-pilote qui ne sait plus vers quel sexe tend sa préférence. On prend plaisir à vivre avec tous ces personnages cette situation absurde, et à voir comment ils jouent entre le mensonge et la vérité, entre ce qui est refus de la réalité (alcool, drogue, chanson) et ce qui est justement l'épreuve d'affronter sa vérité (très bonne idée du téléphone avec haut-parleur obligé). On sent qu'Almodovar aime ses personnages, même les plus mauvais, même les plus coupables, et va leur donner la possibilité de se sauver tout en restant dans un cadre de comédie et de légereté. En dépit de quelques facilités, « Les amants passagers » s'inscrit donc comme une oeuvre cohérente avec les obsessions du reste de l'oeuvre du réalisateur hibérique, mais dans un registre inattendu et original.