Dany Boon occupe une place à part dans le cinéma français. Valeur sure du box-office, chouchou du public français mais tête de turc des critiques dès lors qu’on évoque les salaires des acteurs, il bénéficie, aujourd’hui, encore de l’effet "Bienvenue chez les Ch’tis" qui l’a fait passer du statut de second rôle de talent à celui de star bankable. Je fais, d’ailleurs, partie de ceux qui ont vraiment aimé ce film dont le succès était mérité (qu’un peu disproportionné). Mais, plus le temps passe et plus "Les Ch’tis" ressemble à un heureux accident dans la filmographie tant d’acteur que de réalisateur de Dany Boon… qui commence à cumuler un nombre important de comédies très inégales ("La maison du bonheur", "Mon meilleur ami", "Rien à déclarer", "Micmacs à tire-larigot"…), voir franchement ratées ("Pédale Dure", "De l’autre côté du lit", "Un plan parfait"…). Mais, avec "Supercondriaque", Dany Boon vient définitivement confirmer ce que je craignais depuis quelques années : il est non seulement un acteur au jeu très limité mais, surtout, un metteur en scène dépourvu de talent ! Un tel constat peut paraître sévère mais je ne vois pas quoi dire d’autre au vu de cette comédie affligeante qui ne pas arracher un seul rire et, tout au plus, trois sourires polis. Pourtant, le sujet était terriblement prometteur (l’hypocondrie et ses conséquences en société) et la reformation du duo vedette des "Ch’tis" était enthousiasmante. Malheureusement, le scénario se révèle être d’une invraisemblable pauvreté qui use de touts les ressorts les plus éculés qui soit
(les quiproquos poussifs, les soupçons d’homosexualité, grimaces en tout genre, la love story ridicule…)
et, plus grave encore, prend une direction totalement hallucinante en sacrifiant totalement le sujet initial (qui avait pourtant suffisamment de potentiel pour tenir tout le film) au profit d’une histoire de réfugié politique particulièrement risible. "Supercondriaque" n’est, donc, finalement pas une comédie sur l’hypocondrie mais une film navrant sur une erreur d’identité… soit une tromperie sur la marchandise comme on n’en a rarement vu sur grand écran ! A ce titre, le dernier tiers du film
(qui voit le héros se retrouver en bien mauvaise posture du fait de son usurpation d’identité)
est un grand moment de n’importe quoi qui repousse les limites de l’acceptable ! Et ne parlons même pas des nombreuses maladresses du film qui cumule les gags gênants
(le patient avec son cancer de la gorge, la mort du collègue, les violences commises lors du réveillon…)
qui font montrent d’une écriture franchement "limite". Le scénario est, donc, la principale raison de l’échec artistique du film… mais pas la seule. En effet, la mise en scène de Dany Boon n’a jamais paru aussi paresseuse, voire contre-productive. Aussi aberrant que cela puisse paraître, le réalisateur, qui a pourtant fait ses preuves sur scène en matière de rythme comique, ne sait visiblement pas ciseler son montage pour rendre ses dialogues et ses gags efficaces ! Ce constat est d’autant plus pénible qu’il est bien évident qu’il a bénéficié de moyens financiers considérables pour ce film (voir la qualité de la photo et des décors), dont on ne peut s’empêcher de penser qu’ils auraient été bien mieux utilisés chez d’autres. Au lieu de travailler son montage, Dany Boon a préféré multiplier les plans de grimaces et de cris, si caractéristiques des comédies françaises bas de gamme… soit un défaut qui n’existait pas, par exemple, dans "Bienvenue chez les ch’tis" et qui laissent transparaître une certaine paresse dans la mise en scène, qui vient confirmer celle de l’écriture. Même le casting parvient à être décevant dans ce film !!! Outre Dany Boon lui-même, qui après avoir singé Bourvil pendant des années, essaie visiblement d’imiter Louis de Funès à coups de mimiques outrancières et d’onomatopées (le talent en moins), on ne peut qu’être attristé de voir Alice Pol, habituellement formidable, se vautrer dans des dialogues sans intérêt, voir jouer faux par moments…tout comme il est malheureux de constater que des acteurs comme Jean-Yves Bertheloot, Judith El Zein, Jonathan Cohen ou encore Valérie Bonneton soient cantonnés à des rôles aussi limités. Le seul à vaguement surnager est Kad Merad qui, dans le rôle du clown blanc qui subit les conneries de son patient, parvient à provoquer les seuls sourires du film. "Supercondriaque" est, donc, une comédie affligeante voire gênante… dont le succès au box-office, à l’heure des "OSS 117", "Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu ?" et autres "Intouchables", me parait totalement invraisemblable. Ce succès ne devrait, cependant, pas inciter Dany Boon à remettre en question ses qualités de metteur en scène. C’est sans doute le plus inquiétant…