Quand une star hollywoodienne particulièrement en vogue prend la décision de passer derrière la caméra, c'est toujours un important pari qui s'engage pour lui. A quel point doit-il prouver de ses capacités artistiques et techniques tout en gardant la modestie de ses premiers pas ? Ryan Gosling, connu notamment pour avoir excellé dans Drive, a décidé de relever ce pari osé et de mettre toutes ses inspirations au service d'un film visuellement très ambitieux.
Dans une ville mourante au bord de la destruction, Billy, une mère célibataire qui élève ses deux garçons, se retrouve confrontée aux dangers d'une société sombre et habitée d'une pulsion malsaine, tandis que son fils Bones tente de lever la malédiction pesant sur sa famille, en partant à la recherche d'une ville engloutie sous une rivière perdue. Avec ce premier film, Ryan Gosling refuse tout ce qui pourrait le rapprocher d'un cinéma hollywoodien au succès évident et prend le parti de pousser « l' auteurisme » à son paroxysme, à la manière des cinéastes de La nouvelle Vague, en devenant le scénariste, réalisateur et producteur de son œuvre. Lost River est un film de genres multiples où le fantastique, poussant parfois vers l'horreur, est au service du drame familial qui se joue comme centre de l'intrigue. A la manière d'un cinéma des plus « lynchien » (Mulholland Drive, Sailor and Lula), il plonge son spectateur dans un cauchemar cinématographique qui l'amène vers une libération finale à la limite de la catharsis. Ainsi, le jeune auteur, fervent disciple de Nicolas Winding Refn (Drive, Only God Forgives), construit son univers en rendant hommage au cinéma de genre des années 70-80, superposant ainsi les figures d'ombres et de lumières aux images vives, sanguinolentes et kitsch ; un véritable choc visuel pour un spectateur au bord de la migraine. De la même manière, la musique électronique, semblable à celles présentes dans les films de John Carpenter (Halloween, The Thing) finit de poser cet univers pesant et anxiogène.
Pour une première œuvre, Ryan Gosling nous montre qu'il connaît déjà bien son métier. Si son histoire peut manquer de construction et connaît beaucoup de difficultés à emmener le spectateur avant la moitié du film, on ne peut que saluer la maîtrise quasi totale du style et l'engagement plus qu'évident de l'auteur. Lost River est un de ces films qui conduit inévitablement à un débat enflammé, tant le réalisateur nous livre un travail personnel et hors des conventions d'un cinéma hollywoodien. On pourra reprocher à ce film, son manque de compréhension et d'explication et une histoire au final assez simple, présente pour servir une image trop travaillée et trop évidente dans ses références. D'autres seront sûrement agacés devant le défilé d'images graphiques, mettant en avant, l'orgueil mal placée d'un ancien acteur star qui se prenait pour un grand réalisateur expérimenté. Finalement, Lost River est un peu tout cela à la fois mais mérite amplement que l'on s'y attarde car s'il peut souffrir d'un manque de maîtrise dans certaines scènes, d'autres sont, au contraire, de véritables moments de cinéma dignes des plus grands noms du métier. Après ses grandes interprétations à l'écran, Ryan Gosling prouve qu'un avenir tout aussi remarquable l'attend, également, derrière la caméra.