"Lost River" est pour Ryan Gosling un coup d'essai, mais aussi quasiment un coup d'éclat !
Car notre acteur, devenu maintenant réalisateur, ne fait pas les choses à moitié et met d'ailleurs les pieds dans le plat, avec une prise de risque à tout casser...
D'abord, même si c'est déjà dit et redit, il y a cette forme loin d'être gratuite !
Une forme superbe, envoûtante, sidérante avec à chaque plan, une peinture, une toile qu'on adorerait avoir chez soi...
Des couleurs, des harmonies, un jeu de contrastes énorme, tout cela d'une beauté incroyable à en rester subjugué tout simplement, où on ne peut que ressentir les inspirations de certains grands peintres qui sont évidentes !
Une recherche esthétique dont pas mal de références cinématographiques résonnent aussi immédiatement, Terence Mallik, David Lynch, et bien sûr Nicolas Wending Refn lui-même.
Mais malgré tout Gosling a osé avec une audace folle et sur ce point, c'était le bon choix à faire d'autant plus que c'est franchement réussi !
Et ce qui l'est doublement, c'est que cette beauté des images n'est pas uniquement formelle, car elle est au service d'une histoire terrible loin d'être un conte même si elle en a l'aspect et la teneur...
La ville sinistrée de Détroit en est déjà le théâtre et d'une manière bien différente du très réussi "It Follows".
Ici, c'est presqu'une ville fantôme en lambeaux qui se cangrène, qui disparaît de jour en jour, déshumanisée qu'elle est tout en devenant la proie de dangereux loups humains, où la survie ne tient qu'à quelques fils de cuivre...
La violence est à l'état brut, tranchante, imprévisible, ou alors sournoise comme en sourdine selon le prédateur qui se trouve en face, du chef de meute improvisé et assoiffé au banquier rusé et pervers au double visage...
Les quelques personnages qui essaient de faire avec ou d'y échapper, sont brossés à travers deux familles piégées par leurs dettes et ces maison en ruine, mais qui ruinent aussi leurs occupants !
Pour cela, les acteurs sont complètement à l'image du film, tour à tour étranges, touchants, effrayants et même monstrueux selon le rôle qu'il leur est réservé, de l'univers de ce cabaret labyrinthique et angoissant à celui d'une maison occupée par une grand-mère atteinte du syndrome de Diogène.
Le héros Bones un peu dans le style de Ryan Gosling lui-même est émouvant à la façon qu'il a de porter et de protéger sa famille dont la mère fait ce qu'elle peut aussi, alors qu'elle est aussi prise en étau !
Avec peu de paroles, Iain de Caestecker et Christina Hendricks sont étonnants tout comme chaque second rôle, que ce soit Éva Mendes ou Ben Mendelssohn.
Beaucoup de symboles émergent ici et là, beaucoup d'éléments comme le feu très présent et significatif, puis aussi cette cité engloutie à peine suggérée, ultime espoir pour Bones...
Ce film âpre, dur, violent et sans concession n'est absolument pas édulcoré ou adouci par cette esthétisation très aboutie, puisqu'au contraire cette atmosphère bien particulière le rend encore plus prenant, encore plus angoissant qu'il ne l'est réellement !
C'est donc bien un tout de force et de génie de la part de Ryan Gosling d'y être arrivé si vite et avec tant de brio...
Bien sûr cet univers onirique et ces personnages taiseux pourront surprendre et déstabiliser, mais je conseille vivement de découvrir cette première réalisation à mon avis superbe et puissante, originale mais surtout très personnelle !