Et en plus, Paris était bizarre ce jour-là, les piétons surgissaient à contre-sens, j'ai ramassé une carte d'identité égarée, les horaires des cinémas ne sont plus les bons, juste un petit décalage du réel et c'est parti pour le film de Ryan Gosling. Dont j'ai entendu Bruno Crasse à la radio dire qu'à sa grande surprise, il avait été impressionné par cette première oeuvre. Soit. "Il est à moi le cuivre, dégage de ma ville, elle est à moi la ville". Un type hurle ça dans un micro. Le jeune homme se glisse dans des constructions à l'abandon. Où Ryan a-t-il été chercher ce décor insensé. Le théâtre qui dégueule ses structures de velours rouge en lambeaux. Et tout à coup, une ex-route entièrement envahie par les herbes folles. Sans parler des lampadaires qui jouent les cygnes à la surface de l'eau. Qui a vu cette série de photos sur le net "les endroits sur la planète abandonnés à la nature" ? Tchernobyl, une île au Japon (décor du James Bond-Craig-n°3), une foire du trône arrêtée, un spa de l'Allemagne hitlérienne, une gare monumentale aux Etats-Unis, tiens tiens... Que lis-je ? Detroit ? Une ville une vraie, grande, structurée, une ville du rêve américain, cette ville est vraiment devenue ça ? Au XXIème siècle ? Et du cuivre, il y en a certainement pour tout le monde, à récupérer... mais un dictateur solitaire a décidé que non. Du cuivre !... Le petit garçon blond joue à merveille. Et dites-moi, dans le rôle de la maman, endettée, courageuse, n'est-ce pas Cristina Hendricks qui joue le rôle de la maman endettée courageuse dans Dark Places, vu la semaine dernière ? Tout à fait, elle a dû faire des allers-retours d'un tournage à l'autre. Et dites-moi, cette jeune fille perdue dans la ville-fantôme, n'est-ce pas la jeune fille perdue dans une Angleterre en proie à la troisième guerre mondiale ? Saoirse Ronan, inoubliable dans "How I live now", est à toute épreuve et on lui en fait subir, qu'importe, droite dans ses bottes elle tient le coup. Non, je ne connaissais pas l'insoutenable méchant solitaire et très perso avec son cuivre. Il représente qui, lui ? Le Mal ? Il dénude des bouches et décapite des hamsters ? Pas sympa. Mais retrouvons notre mère-courage, qui accepte un job proposé par son coquin banquier. Le passeur des enfers, Reda Kateb, offre sa bonne tête (et une french touch ?) en une présence rassurante. On pousse la porte des enfers, et dites-moi, mais qui donc apparait dans sa grâce sa splendeur sa puissance sa beauté ? L'indiciblement merveilleuse Eva Mendes. Lardée de coups de couteau, la taquine ouvre les yeux, et nous sourit. Alors je souris, Eva me rassure, Eva est belle, vivante, ronde et pleine, où qu'elle traîne. La mère-courage sourit aussi. On revit, aux enfers. Mais c'est quoi ce tombeau de plastique vertical ? Je n'ai rien compris à la métaphore, à l'aide ! Par contre, j'ai compris que tout mon organisme mis à mal par ce film était en train de se prendre une giclée d'érotisme incroyable... quand le banquier taquin, Ben Mendelsohn, entame une danse en liberté devant Cristina Hendricks sous cellophane. Oh ça, je me le repasserais en boucle jusqu'à l'agonie de plaisir, cette danse. Après, on est content d'apprendre que pour se libérer de tous ces méchants, surtout le méchant méchant, il suffit de remonter un objet des profondeurs du lac. Fastoche ! L'espoir est là, donc, Saoirse et son camarade, Cristina et le petit garçon blond vont s'en sortir et rouler dans la décapotable de Momie de Xavier en chantant du Céline Dion et ça sera bien. Quand je suis ressortie, Paris était encore plus bizarre, des regards par en dessous, des gens qui dansent, un clodo qui fouille dans le large cendrier où j'ai déjà pioché le seul mégot valable, le tout sous un beau soleil d'Avril. Etrange, ce film.