[Scénario: 2/5]
Ce scénario un peu vague et vaporeux: c'est sans doute le principal point faible de « Lost River », car du coup l'intrigue se perd souvent dans cette atmosphère brumeuse, grouillant de symboles mais qui ne contient pas suffisamment de phases narratives pour faire avancer l’histoire. Parlons de l’histoire justement, elle est relativement simple: c’est celle d'une mère de famille, Billy (Christina Hendricks), aux prises avec sa banque dans une lutte financière pour racheter l'hypothèque de sa maison dans laquelle elle élève, seule, ses deux fils: Bones (Iain De Caestecker) et Franky (Landyn Stewart). Alors que la situation devient de plus en plus désespérée, celle-ci se fait engager dans un cabaret de bizarreries où les spectateurs viennent chaque soir assouvir leurs envies les plus... étranges.
[Mise en scène: 3/5]
Pour son premier passage derrière la caméra Ryan Gosling prend un gros risque en choisissant d'aborder son film par un biais artistique certes très esthétique mais aussi très élitiste tant il se nourrit de symboles et de références qui ne trouvent pas forcément écho chez le grand public. Un choix pas forcément très irréprochable. Malgré tout, j'ai pour ma part été très enthousiasmé par cette atmosphère brumeuse où le surnaturel côtoie le réel à chaque coin de rue. On se sent comme envoûté par une espèce de présence sans vraiment arriver à complètement la décrire, de fait chacun prend un peu ce qu'il veut, croit un peu ce qu'il veut et se laisse bercer par le doux clapotis des vagues de cette « Lost River ».
[Acteurs: 3/5]
Même si le cœur de l'intrigue tourne autour du personnage de Billy (Christina Hendricks), chaque acteur semble également impliqué dans le film si bien qu'il devient difficile de parler de premiers rôles versus les rôles secondaires. La mère de famille jouée par Hendricks déploie une personnalité très intéressante à l'écran puisqu'elle est partagée entre son côté de mère battante et celui de petite fille naïve et fragile à la merci du grand méchant loup. En parlant du loup, Ben Mendelsohn est plutôt terrible dans son rôle de banquier véreux et pervers. Viennent ensuite le duo de "jeunots" Saoirse Ronan/ Iain De Caestecker qui illuminent le film par leur candeur et leur espoir en un monde meilleur, opposés au chien fou "Bully" interprété par Matt Smith, personnage fanatique et violent aux airs de villain « Mad Maxien ».
[Photographie: 5/5]
Au contraire du scénario, la photographie constitue, avec la B.O, le gros gros point fort du film: la qualité et la beauté des images séduisent dès les premiers instants et nous plongent dans un univers fantasmagorique délirant mais magnifique. On sent une grande maîtrise derrière la caméra à plusieurs niveaux: la précision des cadrages, la palette de couleurs pop très variées qui contribuent fortement à assurer ce côté hyper-esthétique du film et enfin ce savant mélange entre obscurité et lumières qui illustre bien ce paradoxe que l'on éprouve tout au long de "Lost River" entre un monde fantastique, merveilleux où tout est possible et la noirceur des ténèbres qui le rongent.
[Bande Originale: 5/5]
Une BO qui convaincra même les plus réticents à la "Gosling-mania": mélange d'airs retros nostalgisants et de mélodies pop légères et envoûtantes que l'on doit essentiellement à l'incroyable Johnny Jewel, auteur, compositeur et producteur de talent un peu touche à tout puisqu'il est membre de plusieurs groupes de musique électronique comme Desire, Chromatics (tous deux présents sur la BO de "Drive") ou encore Glass Candy (à qui l'on doit le titre "Shell Game" dans "Lost River").
[TOTAL: 3,6/5]
"Lost River" est un film très étrange et plutôt déconcertant de prime abord. Clairement il lui manque quelque chose, un ciment pour faire se tenir les briques entre elles, ou un fil conducteur si vous préférez, mais en même temps l'atmosphère est tellement riche et intéressante que le film parvient tout de même à séduire (un certain public). Selon moi le parti pris par Gosling de rendre hommage à ses sources d’inspiration en multipliant les références est à double tranchant: même si la démarche est louable et peut s'avérer intéressante pour les connaisseurs elle restera étrangère et probablement incomprise aux yeux du grand public. Je pense pour ma part ne pas avoir saisi pleinement l'enjeu de toutes ces références et symboles, ce qui est un peu frustrant, il faudra donc prévoir plusieurs visionnages pour mieux saisir ce "Lost River" quelque peu volatile.
Enfin pour finir juste un mot concernant toutes ces critiques qui descendent le film sous prétexte qu'il "n'a pas d'histoire" (je me souviens que "Gravity" avait subi plus ou moins le même sort à l'époque). Je tiens à dire que je ne suis absolument pas d'accord avec cet argument qui voudrait qu'un bon film soit un film qui raconte une histoire. Il y a selon moi plusieurs types de réalisateurs, dont les conteurs d'histoire, mais aussi les poètes, les philosophes, les photographes... et il y a au moins autant de façons différentes d'aborder un film. Clairement Gosling ne semble pas appartenir à la catégorie des "conteurs d'histoire", ce qui ne rend pas son cinéma moins intéressant, au contraire même. Sur ce film en particulier il manque peut-être un petit quelque chose, mais pour moi il est certain que Ryan Gosling bénéficie d’une certaine fibre créative en tant que réalisateur et j'espère le voir continuer à opérer derrière la caméra pour apporter, avec d'autres, un peu de couleurs au paysage cinématographique qui s'endort parfois dans des catégories déjà tellement exploitées qu'elles n'ont plus rien à offrir...