Ryan Gosling est un acteur charismatique qui fascine pas mal de monde que ce soit par son physique plutôt avantageux ou alors par son charisme étrange qui provient de son jeu épuré. Il est donc normal lorsqu'une telle personnalité pique la curiosité lorsqu'elle passe derrière la caméra pour livrer son premier film, qu'elle a elle-même écrit promettant donc un film personnel qui dévoilera sa psychologie. Donc pour tous ceux qui veulent connaitre un temps soit peu Ryan Gosling c'est une véritable aubaine mais est-ce que le film est un ratage prétentieux ? Comme souvent lorsqu'un acteur passe pour la première fois derrière la caméra. Ou alors est-ce une pépite du cinéma, véritable chef d'oeuvre arty ? Le scénario se révèle épuré dans son approche, les dialogues se limite au strict minimum, les personnages sont monolithiques, absents presque comme des fantômes, des âmes errantes dans une ville qui se meurt frappée soit disant par une malédiction. Parfois leurs réactions sembleront étrange, ils peuvent paraître mous mais ils sont oppressés par l'atmosphère qui les entourent, ils semblent flottant donc ralentis comme si ils vivaient sous l'eau, comme si c'était leurs ville qui était engloutis. Gosling se sert de cela pour brosser un constat sur notre société déliquescente, la ville est fantomatique, plus de travail, plus d'avenir, les parents doivent se mettre dans des situations impossibles pour survivre, la jeune est perdu et la violence est à son paroxysme, il n'y a plus de loi, juste des hommes avec leurs instincts primaires et tous cela culmine dans un cabaret de l'horreur où l'instinct animal règne en maître. A partir de ça Gosling va créer un film sensorielle plus que vraiment intellectuel, primant la force des images pour faire passer son message et plus qu'un constat sur notre société, le film parle avant tous de son auteur, de sa fascination pour les éléments, ici le feu et l'eau surtout, parlant ainsi de son côté autodestructeur grâce à la symbolique et la métaphore. Il filme une maison qui brûle de manière douce presque admirative, un moment de pure poésie mais cela reflète avant tous sa fascination pour la destruction, très présente dans ce film, et surtout que sortir un tel film relève presque du suicide artistique en soi. Confirmé par la violence de certaines critiques américaines où celui-ci n'a même pas pu avoir de sortie en salle dans on propre pays. Gosling n'a jamais vraiment voulu être considéré comme une super star ou un sex symbol et chaque choix artistique qu'il fait sonne comme une tentative d'autodestruction. Néanmoins il aime ce qu'il fait et il persiste dans ce registre ce qui révèle une personnalité contradictoire assez intéressante, surtout que cette contradiction imprègne chaque image de son film que ce soit de l'introduction avec un sublime générique au final. La tristesse se mêle avec l'absurde, le morbide se mêle à la sensualité, la violence avec la poésie et l'amour se mêle avec la mort. Gosling s'impose avant tous comme un cinéaste romantique et baroque, un genre de cinéaste assez rare qui connait entre autres Jodorowsky, Lynch, Jarmush et dans une certaine mesure Cianfrance et Mann. Des influences que ne renient pas Gosling dont il s'imprègne mais il ne copie pas car son film est relativement unique et n'appartient qu'à lui, grâce à son caractère personnel et aussi par ses maladresses. Car Gosling n'évite pas l'écueil du premier film et veut trop en faire, parce qu'au final on a deux film en un, un sur la mère de famille et un autre assez différent sur le fils. Chacun à son propres démon, son propre parcourt et surtout son propre ton, ce qui fait que cela aurait pu faire deux films séparés et l'alternance des scènes déstabilise parfois, la cassure est bien trop nette. Néanmoins l'ensemble se révèle être un conte de fée pour adulte, à la fois très mature et sombre, chaque personnages est l'équivalent d'un personnage de conte, Bones est le prince, Bully le dragon, Rat la princesse, sa grand-mère la sorcière et Dave le loup sans oublier le chauffeur de taxi qui est le chevalier blanc. Ce qui fait que au final Gosling raconte une histoire classique mais le fait de manière diablement original même si il imprègne trop son film de sa personnalité ce qu'il fait qu'il manque de recul et que certaines scènes sont relativement lourdes, qu'il succombe parfois à l'absurde nous perdant un peu dans son trip et qu'il manque parfois de subtilité pour exprimer ses idées. Cela ce fera surtout dans ce qui concerne le cabaret, avec ces caissons qui enferme les femmes pour montrer leurs iconisations par la beauté, elles sont à la fois exhibées et traitées comme des objets, enfermé dans les désirs qu'elles créent chez les hommes où ceux-ci se défoulent sur elles en y projetant leurs fantasmes et leurs défauts. Elles sont oppressés par la vision que les hommes font d'elles à la fois intouchables par leurs statues de demi-déesses mais aussi dégradées et violentées parce que réduite en objets sexuelles, ce qui montre parfois l'aspect contradictoire du rapport aux autres, entre admiration et envie de posséder. En ça on notera aussi la surdité de Dave qui est très symbolique, l'homme guidé par ses instincts primaires n'entant rien et ne se focalise que sur ces fantasmes. Le film en ça parle donc du mal être de son auteur, car oui Gosling à vraiment une approche d'auteur ici, avec ses propres thématiques, son mal être à être un sex symbol à la fois admiré au point d'être considéré comme un dieu mais aussi considéré comme une chose à posséder, source de fantasmes et de désirs où les gens projettent leurs attentes et défauts sur lui au point de l'adorer mais aussi parfois le détester. Et le faite qu'il explore ça dans son film est relativement fascinant et très révélateur sur l'homme qu'il est faisant donc un film à son image, torturé, destructeur, imparfait mais indéniablement fascinant, hypnotique et beau. Le casting est relativement beau même si chaque acteurs à une prestation monolithique, Gosling écrit des personnages aux émotions refoulés et donc les possibilités de jeu sont parfois l'imité jouant plus sur intériorisation. En ça Ian De Caestecker s'impose comme un héros tragique assez fascinant étant très proche du genre de héros que Gosling à l'habitude de jouer, Christina Hendricks joue parfaitement son rôle de mère désespéré, étant une héroïne purement lynchienne, Saoirse Ronan et Reda Kateb sont très bon, Eva Mendes fait du bon boulot même si elle est légèrement sous-exploité et Ben Mendelsohn est absolument incroyable dans son rôle de manipulateur violent tout comme Matt Smith est fascinant dans son rôle d'animal sauvage qui arpente la ville sur son trône. Pour ce qui est de la réalisation on touche au grand art, avec une approche très arty parfois proche de l'expérimental, la photographie de Benoît Debie est magnifique avec ces jeux sur les contrastes de couleurs donnant un aspect très oppressant à l'image qui trouve un juste chemin entre rêve et réalité étant très fantasmagorique, le montage est classique mais maîtrisé et la musique de Johnny Jewel est absolument fabuleuse. Pour ce qui est de la mise en scène de Ryan Gosling celui-ci ne cache pas ses influences, on pense à du Refn, du Korine et même au Blue Velvet et au Lost Highway de Lynch mais il ne copie pas pour autant ses aînés arrivant à trouver sa propre voix. Il compose ses plans de manière intelligente, tente des mouvements de caméras audacieux et utilise beaucoup la symbolique comme se vélo en flamme qui symbolise la perte de l'enfance, le passage à l'âge adulte du héros. Parfois il a peut être un peu trop tendance à se regarder filmer mais c'est quelque chose qui reste assez discret et que cet aspect s'estompe au fur et a mesure du film pour mener à un climax habile et rythmé. De plus il offre une des plus belles visions romantiques vu ses dernières années au cinéma, avec une escapade en ville entre Bones et Rat qui se finit en moment d'intimité lors d'un danse furtive et éphémère, un joli moment de grâce. En conclusion Lost River est un très bon film, certes perfectible sur de nombreux points mais indéniablement fascinant et attachant surtout qu'il est une vraie proposititon de cinéma qui connait des fulgurances de toute beauté. Il est à l'image de son cinéaste c'est à dire torturé, hypnotique, poétique, romantique et baroque. Le film est tellement de choses que parfois l'on s'y perd et il est dommage que Gosling ait voulu trop en faire mais ça n'entache pas vraiment ce trip sensorielle très proche de ce que peut faire Jarmush par moment. Il est clair que Détroit alimente pas mal les rêves des cinéaste et Gosling s'impose comme un à suivre en espérant qu'il retournera derrière la caméra car son univers me parle et j'aimerais continué à l'explorer, surtout que passez les écueils du premier film il est clair qu'il à le potentiel pour réaliser de grandes choses. C'est donc un film surréaliste et sensitif qui mérite que l'on s'y intéresse que ce soit pour connaitre son cinéaste ou alors pour ce plonger dans un univers visuel fascinant et il faut bien l'admettre diablement original par certains aspects.