Le choix de ce film peut sembler saugrenu, pour ceux qui connaissent le mécréant que je suis. D’accord, j’ai visité Lisieux, par curiosité historique, mais je n’éprouve pas davantage de sympathie pour Sainte Thérèse que pour le reste du catholicisme : j’ai tout simplement du mal à accepter le concept même de la souffrance improductive en rédemption d’obscurs pêchés universels. Néanmoins, je me suis laissé convaincre de visionner la chose par un ami qui y tenait beaucoup et puis, après tout, un Prix du jury à Cannes, ça méritait sans doute que je surmonte mes réserves de départ. Le réalisateur, Alain Cavallier, au terme d’un long cheminement artistique qui l’a éloigné de la fiction au point qu’il aborde aujourd’hui ses travaux comme une réinterprétation quasi documentaire du réel, a décidé de ne pas raconter la vie de Sainte Thérèse comme un simple biopic l’aurait fait (d’ailleurs, il n’y avait foncièrement pas grand chose à “raconter�). Dans un décor épuré à l’extrême (fond monochrome, quelques objets liturgiques,...) et à travers des dialogues très écrits mais qui s’expriment la plupart du temps sur le mode du chuchotement , il documente avec précision les métamorphoses de cette adolescente ordinaire de la petite-bourgeoisie normande, qui vit son entrée en religion comme un mariage avec le Christ, oscille entre ingénuité naïve et exaltation mystique mais subit également les affres du doute lorsque la maladie qui la tuera lance ses premiers assauts. Pour être franc, malgré l’interprétation irréprochable de Catherine Mouchet, alors dans son premier (et unique!) grand rôle, je n’ai pas trouvé que le film dégageait la moindre “sérénité� au sens où d’autres oeuvres offrant un témoignage de la foi - par exemple, ‘Des hommes et des dieux� de Xavier Beauvois - y parviennent : personnellement, les rigueurs du Carmel, “magnifiées� si l’on peut dire par l’aridité visuelle de Cavallier, que Thérèse affronte avec d’inaltérables réserves d’espérance et de joie de vivre, seraient plutôt du genre à me plonger dans l’effroi et l’incompréhension. Néanmoins, j’admet qu’on puisse éprouver un certain intérêt à suivre ce cheminement spirituel filmé au plus près, dans toute son austérité, par un cinéaste critique mais admiratif de la force de conviction portée par le personnage.