Après les considérations pour le moins inamicales de la critique spécialisée, après le flop au Box-Office annoncé quelques jours après sa sortie, difficile d’être optimiste quant à l’adaptation du Bestseller du britannique Tom Rob Smith. Enfant 44, thriller politique, roman d’aventure au surplus, fût pourtant une belle découverte littéraire, souffrant certes d’un manque de crédibilité et d’une dramatisation intensive de la vie sous le régime de Staline, mais qui parvenait à toucher de par son intensité et l’exotisme de son sujet. Son passage sur grand écran souffre bien entendu des mêmes maux, mais accentués de par une vision simplifiée de l’œuvre de l’auteur, une version cinématographique qui reprend l’essence du récit initial tout en se permettant des virages pour le moins curieux. En effet, la révélation finale du roman, certes attendue, amenait toute l’intensité et la dramaturgie nécessaires à la croisade de Léo Demidov. Ici, le scénario fait abstraction du plus important, se contentant de nous livrer une version aseptisée du bouquin.
Quoiqu’il en soit, quand bien même le film est moins bon que le livre, le contraire est si rare qu’il aurait été étonnant du contraire, Enfant 44 est un film relativement rythmé qui s’adresse un peu à tout le monde. Mêlant contexte politique et social douloureux et histoire policière conventionnelle, l’équilibre des genres est plus ou moins respecté et l’évolution des héros dans cet univers malmené s’avère intéressante, à l’écran comme sur le papier. Léo, personnage trouble, mystérieux fonctionnaire du MGB, tortionnaire d’une machine politique sans pitié, se retrouve non seulement face à un odieux crime, alors que oui, le meurtre n’existe pas au paradis, mais aussi contraint de livrer aux autorités sanguinaires sa prétendue espionne de femme, une femme qui par ailleurs ne semble pas éprouver de véritable amour à son encontre. Très vite, ses choix le propulseront dans une course à la survie et à l’honneur dans un monde soviétique d’une noirceur implacable. Bienvenu dans l’ère terrifiant du stalinisme.
Daniel Espinosa, cinéaste scandinave à qui l’on doit Easy Money ou encore Sécurité rapprochée, prend les rênes du projet, s’attelant à la lourde tâche de retranscrire sans fausse note l’univers glaçant du roman. Le réalisateur parvient, avec le concours d’un casting cinq étoiles, à ne pas se ridiculiser, à contrario des propos d’une majorité des critiques. Le metteur en scène fait le boulot, comme on dit, s’appuyant sur un Tom Hardy impeccable, une Noomi Rapace discrète mais bel et bien présente, un Joel Kinnamann excellent dans son rôle d’odieux profiteur ou encore sur quelques ténors tels que Gary Oldman, Vincent Cassel et Jason Clarke. L’ensemble tient plutôt bien la route, en dépit des déceptions narratives dues aux libertés prises avec le récit.
Le film n’est alors pas le fiasco annoncé, loin de là. Certes pas un grand film, tout le monde sera d’accord là-dessus, Enfant 44 permet une petite escapade plutôt captivante dans une Russie communiste, stalinienne, des plus terrifiante. L’exagération des propos, d’abord par l’auteur puis par le scénariste du film, bien qu’historiquement discutables, offre matière à faire monter incessamment la tension, plongeant les personnages principaux, Léo et son épouse, dans un enfer inextricable. Et pourtant. A voir, certes, même si cela ne tient en rien de la nécessité. Je conseille plutôt aux curieux de lire le romain. Notons qu’Enfant 44 est pourvu de deux suites, les aventures de Léo Demidov s’étalant sur une trilogie. Au vu du succès du film au cinéma, on doute fort de ne pas retrouver Tom Hardy dans le costume de Léo. 09/20