La bande annonce et le synopsis m’avaient fortement séduits, et j’avais très envie de découvrir cette nouvelle production de Ridley Scott. N’ayant pas pour habitude de me précipiter dans les salles obscures à la sortie d’un film afin d’éviter la cohue, ma déception fut grande lorsque je constatai amèrement que le film avait disparu assez rapidement de l’affiche. Il faut dire que ce film a plutôt été boudé par le public français, avec à peine 112000 entrées. Et pourtant… L’adaptation du roman éponyme de Tom Rob Smith est confiée à Daniel Espinosa, ce qui ne fut pas un cadeau, vu le succès retentissant du roman, promu véritable best-seller mondial. En dépit du fait que je ne connais pas le livre, je dois reconnaître que le réalisateur suédois a réussi à mettre en place une ambiance particulière, à la mesure d’un scénario bien sombre dans lequel se chevauchent trois intrigues, l’une on va dire d’aspect politique, l’autre criminelle, et pour finir sentimentale. Le résultat est surréaliste, mais dans le bon sens du terme : le film respire la vérité, sous un régime totalitaire de Staline apportant son lot de faits choquants. Tant et si bien que le film fut interdit aux moins de 12 ans, non pas à cause de scènes gores (car il n’y en a pas, du moins sanguinairement parlant), mais à cause des quelques scènes résolument choquantes
comme l’exécution d’un couple de parents devant leurs propres enfants, pour ne citer qu’elle
. Nous suivons donc d’entrée ce couple, lui à la tête de la police secrète dédiée principalement à la mission de contre-espionnage, et elle une institutrice. Un couple à priori banal mais dont on sent qu’il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. On découvrira plus tard pourquoi… leur vie de couple existe tant bien que mal, faite de concessions conscientes et inconscientes et pour certaines peu avouables, jusqu’à ce que les époux se retrouvent réunis tant bien que mal dans une seule et même cause dans un contexte glissant. Ce couple, c’est à la fois Tom Hardy, véritablement excellent dans la peau de Léo Demidov et à qui je donnerai ma mention spéciale, lui qui a pris le rôle convoité par Christian Bale, puis Noomi Rapace dans les traits d’une institutrice à la vie finalement bien mouvementée. Si je retiens une prestation rendue sans défaut par Tom Hardy, je retiens également le rôle pour une fois sage tenu par Gary Oldman, en totale opposition à celui occupé par Vincent Cassel, lui qui est venu remplacer au pied levé l’acteur Phillip Seymour Hoffman récemment décédé. Evidemment, les puristes pourront regretter que ce film ne soit pas russe, avec une bonne V.O. en langue slave sous-titrée. Moi je dis que c’est vrai car le film aurait gagné encore en crédibilité, mais au moins il a le mérite de porter à l’écran un sujet assez peu porté à l’écran, à savoir les coulisses d’un régime et de ses impacts sur la vie des habitants. Mais je l’ai dit plus haut : la caméra de Daniel Espinosa permet au spectateur de s’immerger totalement dans le film à la reconstitution rétro réussie et à l’esthétique soignée, donnant la possibilité à Oliver Wood de nous offrir une superbe photographie. D’ailleurs je dois ajouter qu’il y avait bien longtemps que je n’avais pas vu les trains aussi bien filmés, ce qui me pousse à soupçonner le réalisateur d’être un fervent amoureux des trains ; il n’y a qu’à voir les images, elles parlent d’elles-mêmes : j’ai rarement vu des machines à vapeur être mises en valeur de la sorte. Pour avoir lu bon nombre de critiques (plutôt variées je dois dire), j’ai noté que certains reprochent un certain nombre d’incohérences. Je suis désolé, mais je n’en vois pas. Certes le scénario est tarabiscoté, et c’est ce qui rend la maîtrise du sujet d’autant plus remarquable. Quant aux différentes longueurs dénoncées ici et là, je considère qu’elles servent le film tant elles viennent renforcer les scènes sur l’importance des réflexions, ou sur la portée des conséquences. En somme, ces longueurs apportent du sens à ces scènes. Je ne dis pas que le film est à la hauteur du livre, mais n’oublions pas que ce n’est qu’une adaptation… Le fait est que pour ceux qui ne connaissent pas le livre, c’est intrigant, immersif et on a besoin de savoir comment toute cette histoire va finir, rythmé par un florilège de sentiments qui vont du dégoût le plus profond à l’espoir. En tout cas, c’est ainsi que je l’ai vécu...