Du dernier film d’Atom Egoyan, Captives, nous pourrons en garder aussi bien du positif que du négatif. Alors que son derniers long, Devil’s Knot, n’avait pas eu l’honneur d’une distribution en salles, le retour du réalisateur semble marqué par un sursaut populaire d’intérêt, du fait notamment de la présence du réalisateur et de son film sur la Croisette en mai 2014. Malgré cela, Captives aura peiné à convaincre les festivaliers, et quelques mois plus tard, les premières critiques spécialisées lors de sa sortie internationale. Pour cause, un manque de rythme, de vitalité, criant, un découpage parfois hasardeux ou encore une ambition clairement surestimée n’ont pas permis au réalisateur de redorer son blason. Livrant un thriller se voulant psychologique, envoutant ou encore intriguant, Atom Egoyan ne parvient au final qu’à remplir son petit contrat d’artisan du cinéma, vendeur d’images et d’une narration mais jamais de rêves ou d’émotions.
Pour autant, en dépit d’une faiblesse d’intensité évidente, d’une narration anachronique discutable, d’un manque de volonté de sortir du cadre de l’académisme, le cinéaste parvient à faire ressortir quelques-unes de ses qualités, ou celles d’autres protagonistes de son entreprise. Pour ce qui est du metteur en scène, nous pouvons louer sa volonté de toujours exploiter le drame policier en prenant les détours non-imposés, tentant de donner une profondeur psychologique à des faits divers par toujours très captivant. Certes, ici, tout n’est pas parfait, de loin pas, mais de cette dramatique histoire d’enlèvement, de séquestration, de pédophilie, Atom Egoyan essaie d’en tirer un maximum. Autre atout de Captives, l’interprétation de quelque uns de ses comédiens. Si Mireille Enos, Rosario Dawson, Scott Speedman et j’en passe font le travail sans sourciller, la prestation qui étonne est celle de Ryan Reynolds. L’acteur, souvent mis à mal par des choix de carrière douteux, trouve ici matière à démontrer un savoir-faire dramatique presque insoupçonné. Si le film n’est pas un vif succès, il n’en reste pas moins un formidable tremplin pour un acteur qui mérite de meilleures dispositions.
Pour en revenir au film en lui-même, tourné en intégralité entre le Canada et les Etats-Unis, à proximité des fameuses chutes du Niagara, il se caractérise par le froid glaçant et ambiant qui enveloppe cette sordide affaire. Ce cadre lisse, blanc, rappelant le phénoménale Fargo des frères Coen, n’en reste pas moins que peu exploité par le cinéaste. Ce dernier ne semble d’ailleurs que peu s’intéresser à son décor, aux variations que les pleines enneigées pourraient offrir en regard à l’urbanisme des faubourgs de Niagara Falls. Pour tout dire, les personnages évolent lassivement dans un univers neigeux mais pourraient tout aussi bien vivre la même mésaventure sous le soleil des tropiques. A l’image de ce qui fît Atom Egoyan sur Devil’s Knot, le lieu, le cadre, n’est finalement que peu mis à contribution. C’est l’humain qui captive le metteur en scène. Ce n’est pas un défaut, mais il s’agirait alors de faire un sans-faute du drame psychologique narrer, ce qui n’est pas le cas ici.
Parfois distordu, jamais spectaculaire, on pense à une plus récente réussite dans le genre, le somptueux Prisoners de Denis Villeneuve, le dernier film d’Atom Egoyan ne laissera personne complètement ravi. Inégal, mou, curieusement monté, mais aussi intriguant, bien interpréter, Captives est de ces nombreux films que l’on voit, pour lesquels on peut réfléchir quelques instants mais qu’on finit inexorablement par oublier. Il serait franchement temps, pour le réalisateur, de sortir de sa boîte pour enfin livrer un film qui ferait parler de lui en bien. 09/20