L’idée partait d’un si beau départ: un homme schizophrène qui voit en son chat la voix de ses pulsions de violence, et en son chien sa part de conscience qui le retient – Jiminy Criquet a donc revu son classement taxinomique. Derrière, toute une question de choix : dois-je accepter de voir la réalité à la manière des gens dits « saints d’esprit » et m’apercevoir qu’elle peut être laide, ou garder la folie qui me permet d’admirer des papillons imaginaires et des têtes parlantes – bien que décapitées – tout en m’autorisant à vivre entouré de tupperwares remplis de membres et d’organes ?
Magnifique.
Et pourtant. C’est raté.
Marjane Satrapi ne va pas au bout de ses ambitions quand elle choisit de flirter avec le registre de l’absurde. Doute ? Manque d’idées ? Peur du risque ? Dommage en tous cas, pour une réalisatrice dont on connait le culot. Ça n’empêche pas Ryan Reynolds d’incarner un tueur étonnant, Jerry Hickfang, à la bouille sympathique, qu’à aucun moment on n’a envie de condamner. Le premier meurtre ne se présente d’ailleurs qu’au bout d’un bon moment de film – petit espoir naïf : « allez, avec un peu de chance, en fait, ça va bien finir ». Et non, Fiona (Gemma Aterton, tout à fait sexy) se fait bien poignarder par Jerry au cours d’une séquence volontairement grotesque, sans être moins monstrueuse. La progression de ce personnage vers un meurtre systématisé arrive à son paroxysme quand Allison (Ella Smith, craquante) frappe à sa porte. C’est alors un spectateur amusé qui voit Jerry lever les yeux au ciel avant de joindre une autre tête aux autres contenues dans son frigo. Impossible d’accuser les longueurs, dans ce film, au contraire : les « dix secondes » nécessaires à la psychiatre (Jacki Weaver) pour stopper Jerry paraissent vraiment courtes, et gâchées par un discours beaucoup trop convenu – « nous avons tous des voix dans la tête » -. Franchement. On peine à croire qu’il peut convaincre un tueur à la pathologie aussi créative. Même chose pour les séquences de discussion avec le chat et le chien: on aurait pu espérer moins de leçons de morale et plus de délire. Marjane Satrapi ne se serait pas autorisée à lâcher la bride ? Les blagues félines tombent un peu à plat – la bande-annonce contient l’essentiel – et le chien, « brave garçon », reste fade à côté de son collègue. Le monde merveilleux et sanglant de Jerry s’agrémente pourtant de détails aussi drôles qu’horribles, comme ce petit déjeuner en compagnie de la tête coupée de Gemma, nourrie à la becquée de céréales au cours d’une conversation badine – c’est ça qu’on aime. Intéressant choix aussi, celui du tueur qui se fait enguirlander par les restes de sa victime, laquelle « l’incite » à lui offrir de la compagnie – et donc à tuer, encore.
[...]
Vous souhaitez terminer la critique ? Rendez-vous ici.