Parfois, une bande annonce, un pitch loufoque ou un premier aperçu peuvent nous inciter à découvrir un film pour la simple et bonne raison qu’il pourrait être plus original que le tout-venant quotidien. Ce fût le cas, pour moi, avec The Voices, long-métrage un brin foutraque signée l’iranienne Marjane Satrapi. Variation tragi-comique d’une maladie psychologique, la schizophrénie, The Voices est une expérience somme toute plutôt anodine, malgré l’effort de sa réalisatrice d’en faire une petite révolution tant artistique que narrative. On apprécie pourtant l’idée de ce cloisonnement dans la tête d’un malade, gentil paumé particulièrement irritant, voyant le monde aux travers du prisme de sa maladie inavouée, criminel en dépit de l’absence de toute mauvaise volonté. Salarié d’une usine de céramique, les baignoires, en l’occurrence, affublée d’une combinaison de travail rose bonbon, le brave Gerry, tombant amoureux de la petite anglaise de la comptabilité, déclenche en toute inconscience une tragédie sanglante dont sa psychologie masque l’horreur et tous artifices sanglants. Et pourtant.
Dans sa bulle, dialoguant avec son chien bienveillant et son chat diabolique, somme toute une vision logique du mythe de l’animal de compagnie, Gerry ne se rend compte de rien. C’est sans doute là ou voulait en venir un scénario un brin facile, juste assez astucieux pour ne pas verser dans le grand n’importe quoi. Point culminant du long-métrage, finalement, sera cette scène ou le malade se prend d’envie d’avaler ses médicaments et se retrouve, au petit-matin, à traîner ses guêtres dans un appartement ensanglanté, jonché des excréments de ses deux compagnons bavards. L’horreur n’est pourtant qu’éphémère. La vie reprenant son cours, sans traitement, Gerry replonge dans sa folie, entament bien malgré lui une petite collection, sise bien au frais dans son réfrigérateur. Amusant, dans l’idée, mais rapidement illusoire, cette vision de l’esprit déjanté d’un bonhomme dont on apprend le passé douloureux, n’est finalement que le seul argument du film.
Ryan Reynolds, acteur pas toujours convaincant, trouve ici un terrain de jeu qui lui sied très bien, quelque part entre virilité, timidité et absurdité. Le comédien porte la combinaison rose aussi bien qu’un quelconque premier venu, mais livre parfois de jolie envolée, notamment lorsqu’il s’affaire à dépiauter, dans sa cuisine, un certain cadavre. Accompagné au casting par deux très belles plantes, enfin c’est selon, Gemma Arterton et Anna Kendrick, l’acteur trouve l’opportunité d’un rôle particulièrement retors, la belle affaire pour sa carrière, légèrement stéréotypée.
Marjane Satrapi, après Poulet aux Prunes, notamment, un tout autre registre, livre un curieux objet destiné à un public exclusivement curieux. L’américanisation de cette cinéaste perse est sans doute une très bonne chose, celle-ci ayant démontré un certain talent par le passé. On aurait pourtant espérer y voir quelque chose de plus solide que cette petite expérience désinvolte et finalement désuète. Mais comme on dit, il y a de l’idée. 09/20