(...) Sur le papier THE VOICES avait l’air d’un grand n’importe quoi façon série B. Cet a priori est finalement vite écarté, dès l’apparition de Ryan Reynolds à l’écran. L’acteur en perdition à Hollywood depuis une série d’échecs commerciaux a repris du poil de la bête avec ce personnage plein d’ambiguïtés. Après avoir impressionné sous la direction d’Atom Egoyan dans Captives, c’est avec une parfaite subtilité qu’il alterne dans THE VOICES entre un personnage simplet mais attachant, à la limite du ridicule dans sa tenue de travail rose, à un angoissant tueur en série. Car plus le temps passe et plus Marjane Satrapi nous fait prendre conscience que nous sommes soumis au regard d’un esprit malade. Celui de Jerry, schizophrène, qui sans ses médicaments vit dans un monde sans problèmes, sans taches, au sens propre comme figuré. L’univers limite beauf de cette petite ville américaine, où un sosie asiatique d’Elvis Presley interprète les meilleurs titres du King dans un restaurant chinois, vient se mêler aux visions surréalistes de Jerry, pleines de papillons et d’apparitions divines. Un mixte qui permet à la réalisatrice de justifier ses choix d’images colorées génialement kitchs, et de pousser à l’extrême du ridicule certaines séquences, toujours drôles, comme la chenille des employés de l’usine, avec la magnifique Gemma Arterton en tête.
On retrouve comme toujours avec plaisir l’actrice britannique à la plastique incroyable. Avec elle Marjane Satrapi crée un paradoxe à la limite du frustrant. Insistant sur le corps et les formes désirables de la jeune femme, dans une robe des plus moulantes, à la manière d’Anita Ekberg dans La Dolce Vita (Federico Fellini – 1960), on ne voit finalement durant la majorité du film que la tête de l’actrice. Car sans surprise Fiona est la première victime, plus ou moins accidentelle, d’un Jerry instable. Ce dernier après s’être débarrassé du corps d’une manière pour le moins originale, ne garde d’elle que sa tête dans son congélateur. Une tête qui lui rappelle constamment son crime en s’adressant directement à lui, puisque sans ses médicaments Jerry entend des voix. Il imagine que ce qu’il « reste » de Fiona lui parle, tout comme son chien Bosco, bonne patte logiquement du côté de son maître, et son chat, le terrible mais hilarant M. Moustache. Si le chien est le meilleur ami de l’homme, ce n’est pas le cas du chat qui officie ici comme mauvaise conscience poussant au crime. Le comique vient évidement du choix de Satrapi de montrer à l’image les animaux (doublés par Ryan Reynolds lui-même) parler, toujours dans la logique de l’esprit de Jerry. Seulement avec cette multiplication de voix, la folie du jeune homme devient de plus en plus sombre, tout comme l’esthétique du film. Malgré son côté décalé à outrance, THE VOICES garde un vrai penchant pour l’horreur et la réalisatrice obtient un parfait mélange des genres, à la fois terrifiant et à mourir de rire. Bien qu’étant immoraux, les actes de Jerry provoquent le rire via la réalisation, mais lorsque la réalité le rattrape, les jolies couleurs irréalistes font place à la laideur et l’obscurité. Des moments angoissants portés encore une fois par le jeu double de Ryan Reynolds, toujours aussi difficile à cerner lorsqu’il dévoile son passé à Lisa (Anna Kendrick), une autre collègue. Vient à cela se glisser des moments gores que la réalisatrice préfère intelligemment suggérer par le montage, comme lors du premier « découpage » de Jerry. Avec une utilisation juste du cadre, Satrapi passe d’un plan à un autre, comme lorsque l’on suit les cases d’une bande-dessinée. Gardant toujours une pointe d’humour face aux pires situations, elle crée ainsi une séquence que certains jugeront drôle et qui paraîtra horrible à d’autres (...
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Ah au fait, on est cités sur l'affiche \o/ \o/ \o/ \o/ \o/ \o/ \o/ \o/ \o/ \o/ \o/ \o/