Ce nouveau film de Sorrentino est probablement un peu trop long. Le récit se perd parfois dans un certain foisonnement. Et d'aucuns diront que le sujet n'est pas dans l'air du temps. Peut-être. Mais quelle qualité d'écriture et quelle mise en scène ! Autour d'une trinité "mondanité, vanité, vacuité", le cinéaste brode un canevas très fellinien, tout en ironie sur la futilité de l'existence de la haute bourgeoisie romaine, sur les contradictions humaines, sur les contradictions d'une ville. Il développe avec une élégance folle, visuellement et narrativement, tout un jeu d'oppositions et d'entrelacements entre lucidité et illusion, beauté et vulgarité, richesse et pauvreté, spiritualité et profane... Son inspiration satirique, qui n'exclut pas une certaine fascination, se teinte comme chez Fellini de saillies surréalistes (d'ailleurs il est question, à un moment donné, de la possibilité de voir un monstre marin, comme dans la scène finale de La Dolce Vita). Parmi ces saillies : la scène d'injection de botox, comme à confesse ; l'apparition de Fanny Ardant ; ou encore la longue séquence, hilarante et poétique, avec la religieuse centenaire. Le personnage de Jep, formidable dandy, est notre guide sarcastique et joyeusement hypocrite dans un monde peuplé d'individus suffisants, égoïstes, souvent grotesques. Il est aussi l'esthète, le vecteur d'émerveillements, celui qui connaît "l'homme aux clés", qui ouvre les portes des palais secrets et offre le spectacle de leurs splendeurs cachées (superbe scène de déambulation nocturne). Il est enfin l'amoureux mélancolique, tourné vers la grâce d'un passé incompris, source retrouvée de l'inspiration romanesque. La caméra suit avec une merveilleuse fluidité les pérégrinations existentialo-mondaines de ce personnage interprété par Toni Servillo, fidèle acteur de Sorrentino et parfait serviteur, ici, de la verve souvent jubilatoire du réalisateur-scénariste.