Le film commence par une citation de Céline dans Voyage au bout de la nuit:
"Voyager, c’est bien utile, ça fait travailler l’imagination. Tout le reste n’est que déception et fatigues. Notre voyage à nous est entièrement imaginaire. Voilà sa force. Il va de la vie à la mort. Hommes, bêtes, villes et choses, tout est imaginé. C’est un roman, rien qu’une histoire fictive. Littré le dit, qui ne se trompe jamais. Et puis d’abord tout le monde peut en faire autant. Il suffit de fermer les yeux. C’est de l’autre côté de la vie."
Et c’est parti pour 2h30 d’un ballet d’images, d’une valse de dialogues cinglants. Ce film est une déclaration d’amour à la ville eternelle, Rome, filmée surtout entre 3 et 5h du matin, je suppose, dépouillée de ses hordes de touristes, de sa pollution, et baignée de cette lumière magique et cette couleur mordorée qui lui sont propres. Le préambule nous avait averti, c’est un voyage imaginaire dans Rome auquel le réalisateur de Il Divo nous invite. Le pretexte: l’histoire de l’écrivain et critique artistique Jep Gambardella, qui, à 65 ans prend conscience du néant, de la bêtise, de la vanité qui l’entoure. Ou plutôt en a t il eu toujours conscience mais il a décidé d’ouvrir sa gueule et qui sait peut-être de reprendre sa plume, 40 ans après son premier et unique roman. C’est bien beau de critiquer mais encore faut-il faire mieux que les autres.
La religion en prend plein la gueule. L’intelligentia italienne aussi. L’art moderne ("L’imagination sans le talent", pour citer Tom Woolfe dans son dernier roman, Bloody Miami), je n’en parle même pas. L’humain en général n’est pas épargné. Tout le blabla dont on se pare pour tenter de masquer nos mensonges et nos faiblesses, toutes les conneries que l’on peut raconter pour tromper le silence, la mort, l’angoisse, sont autant de pollutions sonores pour notre environnement. J’adore cet instant du film, où l’on voit Jep déambuler le long du Tibre, et soudain la musique se coupe, pour qu’on entende trois crétins joggeurs parler gros sous et promotions. Eux ne sont clairement pas dans le voyage imaginaire et la sensibilité.
Ce film est un poème, un peu long, 20 minutes en trop. Mais c’est un très beau voyage, sans fatigue, ni déception.