Il y a d’abord un volet d’investigation. Gretel était une femme discrète sur son passé, ses expériences. Pour pouvoir la raconter, David Sieveking va devoir se souvenir à sa place. Et découvrir ainsi qu’elle fut engagée au point d’être fichée et surveillée par les autorités suisses. Il va aussi découvrir à quel point le couple de ses parents, avare en tendresse, avait appliqué dans la réalité la liberté des mœurs qu’il préconisait. Tandis que la personnalité de Gretel et Malte se précise aux yeux de leur fils, la maladie elle-même intervient dans ce portrait. Les concepts abstraits, les conventions échappent à Gretel, qui exprime ses sentiments plus simplement, plus crûment que jamais. Elle tient la main de Malte, spectacle auquel leur fils n’avait que rarement assisté. Et Malte y prend goût. Chaque matin, Gretel et Malte se retrouvent, remettent des mots et des attentions pour illustrer leur amour. C’est toute la famille qui se redécouvre ainsi. « Comment peut-on aider quelqu’un quand on voudrait, en fait, simplement pleurer ? » se demande le réalisateur en se lançant dans cette aventure. Sieveking y est parvenu avec sa caméra, trouvant la distance juste dans cette intimité, partageant ses frustrations et ses angoisses. Mais avec une telle simplicité, une élégance telle qu’il parvient à conférer à son témoignage un optimisme, un amour de la vie inespéré dans ces conditions. De nombreuses fois récompensé, Grand prix de la critique à Locarno, Ne m’oublie pas est exemplaire en bien des points, notamment dans sa façon de présenter la maladie d’Alzheimer.