Difficile de sortir indemne de la salle de cinéma après un tel film, on pourrait même dire une telle expérience, tant tout dans ce film respire le réalisme. Et la réalité, elle est moche, elle est sale, elle est cruelle. On alterne en permanence entre l’ambiance étouffante du navire arraisonné et celle, feutrée mais tout aussi pénible, de la salle de crise de l’entreprise danoise. L’intérêt du scénario, et aussi de la réalisation, c’est d’incarner cette dualité au travers de deux personnages principaux, le cuisinier du Rosen, et le PDG qui négocie. C’est au travers des yeux de ces deux hommes qu’on suit l’avancée des négociations. Le cuisinier est parfaitement bien incarné par l’acteur Pilou Asbaek, et le traumatisme que l’interminable prise d’otage provoque chez lui, progressivement, saute aux yeux et fait froid dans le dos. Quant à l’acteur Soren Malling (que je retrouve avec plaisir dans un rôle fort différent de celui qu’il tenait dans la série « The killing »), il incarne tout en sobriété un PDG qui lui non plus ne sortira pas indemne de l’expérience. Parce qu’il tient à assumer ses responsabilités, il conduit lui-même les négociations. Mais, ce faisant, il accepte de jouer à un jeu dont il ne connait pas les règles, et on flirte quasiment tout le temps avec le drame absolu. Nerveusement, pour le spectateur, c’est un film qui n’est pas de tout repos ! Le mécanisme subtil et étrange des négociations avec les pirates somaliens, apparaît ici dans toute sa complexité. On y parle beaucoup d’argent, parce qu’il n’est question que de çà dans cette prise d’otage, pas de politique ni de religion, juste du fric. Mais étrangement, il y a assez peu de cynisme dans cette situation. Tout le monde ne sera peut-être pas d’accord avec moi, mais aucun des protagonistes de cette histoire ne m’a donné une impression de cynisme absolu, tant du côté de l’entreprise que des pirates. D’ailleurs, il n’y a pas de héros dans « Hijacking », pas de salauds non plus, juste des hommes dans une situation qui, au fil du temps, devient inhumaine. Les relations entre otages et pirates sont fluctuantes, elles passent par des moments de tension, de manipulation mais aussi par des moments de camaraderie et même de complicité, ce qui sonne très vrai tout en étant extrêmement déstabilisant. De l’autre côté du globe, l’équipe qui négocie hésite, se trompe, fais des erreurs et surtout connait le doute et l’angoisse : les scènes de contacts téléphoniques, nombreuses, sont toutes aussi anxiogènes que celles du bateau. La réalisation est suffisamment intelligente pour ne quasiment jamais montrer directement les scènes dramatiques, mais plutôt les suggérer, ce qui est bien pire pour les nerfs ! Pas grand-chose à redire sur ce film, en résumé, sauf que c’est le contraire d’un film pop-corn et qu’il détonne, programmé ainsi au cœur de l’été. Il est une nouvelle preuve aussi de l’essor du cinéma scandinave qui, décidément, en télé, en littérature comme en salle, continue de montrer ses indéniables qualités.