Hijacking vous frappe de bien des façons. À la justesse et l'intensité du jeu des acteurs, en tête desquels brillent Pilou Asbaek et Soren Malling, s'allie le refus éclairé de caricaturer les personnages qu'ils interprètent, voire de les romancer. De là découle une œuvre à l'authenticité troublante et profondément humaine, exempte de tout manichéisme ou cliché. Tobias Lindholm s'interdit en effet les considérations moralisantes et psychologisantes à deux balles : il n'y a ni bons ni mauvais, seulement des victimes et des bourreaux, des otages et des ravisseurs qui, parfois, poussent ensemble la chansonnette, ou qu'une partie de pêche rapproche. À mi-chemin, le PDG de la compagnie assume la responsabilité, au détriment d'un quelconque discours politique, d'une situation dont il est à la fois le prisonnier et la clé. Seul espoir de l'équipage en même temps que dernier obstacle à sa libération, comme se plaît à le faire croire Omar, le manipulateur, Peter incarne une figure salutaire complexe : c'est qu'ils ont beau être dans le même bateau, lui n'est pas à bord. Et si à tous le temps paraît long, il existe bien trois temporalités que révèlent les nombreuses ellipses.
Hijacking saisit encore par son décor crasseux, son montage sonore brutal et son image tremblotante, autant d'éléments qui plongent le spectateur dans un état de tension permanente et lui permettent de s'identifier aux personnages sans recourir au pathos. Le voilà qui retient son souffle et n'ose plus bouger, de peur qu'au moindre faux mouvement, le pirate au "doigt sur la gâchette" ne commette l'irréparable. Ce que Mikkel et ses compagnons d'infortune ne comprennent pas, le spectateur ne le comprend pas davantage : Tobias Lindholm a fait le choix judicieux de ne pas traduire les répliques en somali (1). Le comportement versatile des pirates qui déstabilise et fragilise les captifs, le spectateur le subit aussi : c'est ensemble qu'ils font un tour de montagnes russes.
Et c'est ensemble qu'ils rentrent chez eux, soulagés mais secoués.
Hijacking est donc un très bon film qui, comme Royal Affair en 2012, révèle tout le potentiel du cinéma danois, ou plus généralement du cinéma nord-européen.
1) Somali ou arabe, je ne saurais dire, je n'ai pas vraiment fait attention.
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