Tobias Lindholm, dont on entendra encore parler, c’est sur, réalise son premier film en individuel, faisant suite à sa collaboration avec Michael Noer sur R. Pour rappel, le danois est notamment connu en son fief pour avoir été l’un des scénaristes des dernières réussites de Thomas Vinterberg, notamment sur la Chasse. Bref, voilà un réalisateur qui monte et qui surtout démontre qu’avec des moyens limités, tout le monde est à même, avec application et inventivité, de produire, réaliser et distribuer un film énergique, réaliste et immersif, qui plus est sur des thématiques délicates. Ici, place à la prise d’otage d’un équipage danois par des pirates somaliens en plein océan indien. Commence alors un longue période de négociation entre les armateurs et les pirates. Etonnamment rythmé malgré le schéma façon tennis qui offre d’innombrables allers et retours entre les bureaux danois de la compagnie et les cales du tanker détourné.
Vous l’aurez compris, l’intégralité du film se déroule en seulement deux endroits distincts, manière ici non dérangeante, pas le moins du monde, pour réduire ses frais de production. Le bateau est crasseux, suintant le mazout et la sueur. Quant aux locaux de l’armateur, place à la froideur des locaux de travail occidentaux, lisses, équipés de toute la technologie nécessaire. Alors que les marins souffrent, le patron négocie. Chaque dialogue au téléphone, moyen de communication indispensable de l’œuvre de Tobias Lindholm, est une gageure dans le sens ou un faux pas de la direction pourrait être synonyme de perte d’un homme, la réelle valeur marchande des pirates. Hijacking n’implique dès lors que les personnages nécessaires à son bon développement, faisant abstraction de tout élément perturbateur, soit la larmoyant, la guimauve et un bon sentiment dégoulinant. Hijacking ne se pose dès lors jamais comme juge, n’entraînant ni discrimination de l’entreprise capitaliste ni des actions des pirates somaliens.
Plus important encore que le spectacle, l’immersion est ici prédominante. En vue de compenser un manque d’action judicieux, le manque de moyens oblige, Tobias Lindholm privilégie le réalisme de l’enfer que vivent les marins, la direction et accessoirement les pirates. La barrière des langue est ici infranchissable et l’on comprend très durement le désarroi des otages face à des tortionnaires armés qui hurlent dans une langue inconnue. L’effroi de ne pouvoir saisir les paroles de son hypothétique bourreau prend ici tout son sens. Notons également que s’il s’agit d’un film danois à budget très limité, Lindholm a tout de même été chercher des acteurs du cru, qu’il soit danois ou somaliens, pour une immersion encore plus dramatique. Si les évènements de déroulant sur le bateau sont glaçants, ils ne le sont pas moins dans la salle de négociation, quelque part sur le littoral danois.
Autre atout majeur du film, son aspect quasi documentaire qui renvoie fidèlement au principe même d’une négociation avec des preneurs d’otages. Alors que dans l’actualité de ces dernières années, tout le monde a entendu parler des pirates somaliens au large de leurs côtes, personne n’était vraiment en mesure de décrire ce que Lindholm met en scène. Les facettes d’une telle situation son toutes exposées, dans toute leur subtilité. Sans porter le moindre jugement, encore une fois, Hijacking dresse le portrait réaliste d’un fait divers maritime d’actualité, sans le moindre compromis et en offrant accessoirement une note finale très amère. Qui profite de qui? Qui est réellement le profiteur en ce monde? Peut-être une question que soulève Hijacking, un excellent film danois, comme l’on peut en attendre de ce petit pays si prometteur sur les écrans. 16/20