Ce premier long-métrage du roumain Paul Negoescu, même s'il s'en dégage une impression de morosité et de monotonie, est une indéniable réussite.
Le film tout entier se déroule pendant les fêtes de la saint Sylvestre. Au petit matin du 31 décembre, nous découvrons Radu et sa petite amie Adina dans leur train-train quotidien. Déjà il semble qu'il n'y ait pas beaucoup de ferveur dans ce que font les deux protagonistes. Certes Adina exprime verbalement son amour pour Radu, certes ce dernier lui fait la surprise de lui proposer un voyage en Thaïlande, mais l'impression qui domine aux yeux du spectateur oscille entre le manque d'entrain et le manque de sincérité.
Cette première impression ne tardera pas d'ailleurs à se vérifier. Paul Negoescu, le réalisateur, a choisi de dresser le portrait d'un homme indécis, pris dans ses atermoiements comme dans une toile d'araignée. En effet, un peu plus tard, tandis qu'il fait ses courses dans un supermarché, Radu croit reconnaître, parmi les clients, celle qu'il a aimée auparavant et qu'il a quittée, Nadia. Et le voilà qui se met à regretter cet amour perdu!
Cela l'obsède à tel point que, plus tard, en pleine nuit du nouvel an, alors que l'on se congratule et qu'explosent les pétards, Radu rompt avec Adina et se met à la recherche de Nadia. Toute la nuit, il erre d'une boite de nuit à une autre jusqu'à ce qu'il la retrouve. Après les explications houleuses qu'on est en droit d'attendre, cette dernière finit par se laisser aller dans les bras de Radu au point que c'est à elle que celui-ci propose maintenant de faire un voyage en Thaïlande! Nadia décline gentiment cette offre et l'on imagine que Radu se réinstallera sans tarder dans son petit train-train... Avec Adina ou avec Nadia, en fin de compte quelle importance? Les deux petites amies semblent être interchangeables, y compris dans leurs prénoms qui sont l'anagramme l'un de l'autre...
En faisant le portrait de Radu, le réalisateur nous propose aussi une vision désabusée de son pays, la Roumanie. Un pays qui certes a tourné la page des heures sombres du communisme, de la terrifiante dictature de Ceausescu, un pays où l'on trouve dorénavant de tout, où les magasins regorgent de denrées, mais un pays qui n'a pas d'autre objectif que de se laisser engloutir par le consumérisme. Quand Radu déambule dans les allées d'un supermarché, on constate à quel point celui-ci est bien achalandé, tellement bien achalandé que l'on ne sait plus quel produit choisir! Et quand, dans la nuit du nouvel an, Radu va d'une boite de nuit à une autre, on a le sentiment que toutes les fêtes sont identiques et que les gens dansent et s'amusent mécaniquement, parce qu'il faut bien danser et s'amuser en une telle occasion!
C'est donc un film que peut-être certains spectateurs jugeront trop monotone, mais que, pour ma part, j'ai regardé avec beaucoup d'intérêt. L'image qu'il renvoie de la Roumanie n'est certes pas enthousiasmante, mais, dans la mesure où elle correspond à quelque chose de réel, elle mérite d'être reçue. «Je sens que j’appartiens à une génération perdue. Je me demande ce qui a changé dans nos modes de vie qui nous rend si incertains de nos sentiments. La seule raison à laquelle je pense est que ma génération est l’une des premières à avoir grandi après la chute du communisme, dans un environnement consumériste. Mes parents n’avaient pas le choix. Nous, au contraire, n’avons que des options», dit le cinéaste dans un court texte de présentation pour le festival Premiers Plans d’Angers. 7,5/10