Ça commence par une drôle de scène, à la fois intrigante (mais on verra plus tard comment elle se rattache au récit) et insupportablement chahutée : un squat au petit matin évacué par la police. Caméra tremblante, lumière et cadre indécis… Les visages comme l’action sont à peine lisibles. On se demande où on est. Loin en tout cas des promesses de l’affiche ou de la bande-annonce... Et puis, et puis le film démarre, déroulant le beau scénario de Nicole Garcia et Jacques Fieschi. Nous suivons Baptiste, professeur des écoles, apparemment ravi de son statut de remplaçant. Un type tout en retenue – sympa mais distant, solitaire même, pas bavard pour un sou, et visiblement sans ambition. Plutôt contemplatif aussi. Le film reste d’ailleurs constamment dans son point de vue : c’est par ses yeux que nous découvrons les autres protagonistes. Des yeux que Nicole Garcia filme donc beaucoup, souvent en gros plan, tandis que Baptiste se tient à la limite de l’ombre, juste à l’orée des hautes lumières de ce beau week-end de Pentecôte. Pas mal de caméra à l’épaule (mais singulièrement mieux maitrisée que dans le prologue), une photo assez remarquable même (Pierre Milon aux manettes), et une réalisation simple, apaisée, attentive surtout à rendre compte de la petite météo des personnages. Avec "Un beau Dimanche", Nicole Garcia explore à nouveau son terrain de prédilection : les liens familiaux. Ce 7ème long-métrage peut d’ailleurs apparaître comme une espèce de cross-over de ses deux premiers films, "Un week-end sur deux" et "Le fils préféré". Louise Bourgoin y succède à Nathalie Baye, Pierre Rochefort à Bernard Giraudeau. Il parait que que Pierre Rochefort (deux fois "fils de") ne se destinait pas au métier de comédien. Il est la grande révélation du film, tant est sensible son interprétation de Baptiste, personnage secret et mutique, abîmé et bienveillant. Mais le reste du casting est irréprochable - c’est depuis toujours la grande force de Nicole Garcia. Mention spéciale à Dominique Sanda (que je n’avais pas revue depuis "Les Rivières pourpres"), ici dans le rôle de la mère, dure, fermée, inflexible. La scène de son affrontement avec Baptiste est un sommet d’émotion. Et de justesse. Alors oui, on pourra reprocher aux 2 scénaristes une certaine désinvolture. Comment, tout à leur histoire de saisonniers, ils ont imaginé qu’un instit remplaçant pouvait se ballader partout en France (alors qu’il est attaché à son département), Un coup à Bourges, un coup à Lyon, cette fois au Vigan. L’an prochain pourquoi pas aux Antilles ? Ou comment un directeur d’école pouvait décider de créer une classe supplémentaire et la confier à la personne de son choix, comme un restaurateur rajoute des tables ou engage un extra (ces décisions appartiennent évidemment à l’Académie). De même, on pourra s’étonner du personnel pléthorique du restaurant de plage. Pratique pour réussir un joli plan sur le ballet des petites mains préparant le service, mais pas très vraisemblable. C’est vrai, "Un beau dimanche" est truffé comme ça d’erreurs ou d’invraisemblances. Etrangement, elles ont toutes glissé sur moi aussi vite que je les débusquais. En fait, je n’avais d’yeux que pour les yeux de Baptiste, ce regard triste, un peu absent, qui marque pourtant son incroyable présence au monde. La justesse parfois se contrefout de la vraisemblance.