Film à jamais associé à Isabelle Adjani, L’Été meurtrier est une belle réussite du cinéma français. Comme souvent avec celui-ci, le film de Jean Becker se base essentiellement sur son scénario et son interprétation. Effectivement, la réalisation est loin d’être tape-à-l’œil et fait preuve d’une grande discrétion (à l’exception du travail sur les flashs-backs tout d’abord sonores puis reconstitués progressivement visuellement et commentés), ce qui permet au spectateur de se consacrer uniquement sur l’histoire et surtout sur les personnages.
Ainsi, ce qui différencie L’Été meurtrier d’un banal film de vengeance, ce sont ses protagonistes. Cette adaptation du roman de Sébastien Japrisot se situe dans un village provençal (où, comme souvent dans le cinéma français, tout le monde possède l’accent parisien) où les personnages se contentent de plaisirs simples. Toutefois, cette simplicité de vie ne crée pas obligatoirement des personnages unidimensionnels. Eliane, surnommée "Elle" est, en effet, un personnage à la psychologie assez compliquée : elle est assez cyclothymique
(elle fond en larmes et s’emporte dès qu’elle boit un peu trop)
, ce qui est une marque d’une personnalité perturbée, traumatisée et non réellement sortie de l’enfance
(elle a souvent des comportements enfantins comme lorsqu’elle se met à téter le sein de sa mère ; elle finit le film dans un asile psychiatrique en pensant qu’elle a 9 ans)
, et alterne entre des attitudes insolentes
(qui ont pour but d’assouvir sa vengeance)
et des moments d’attendrissement
(elle se met petit à petit à aimer réellement "Pin-Pon", malgré son désir de vengeance)
. De plus, il est intéressant de remarquer que le traumatisme du personnage est causé en partie par le poids du passé
(Ellle souffre grandement du fait que Gabriel, qu’elle considère comme son père, ne soit pas reconnu officiellement comme tel puisqu’elle est en réalité le fruit d’un viol)
et les non-dits
(si Gabriel lui avait dit qu’il avait tué les violeurs, elle n’aurait peut-être pas grandit dans le désir de vengeance et dans l’impression d’absence de justice)
.
Pour améliorer la compréhension de ses personnages, Jean Becker et Sébastien Japrisot utilisent la technique de la voix-off mais multiplient celles-ci (l’histoire est commentée à tour de rôle par "Pin-Pon", "Elle", par la mère de "Elle" puis par Nine surnommée "la sono cassée"), ce qui rappelle la technique du roman épistolaire. Mais ce qui est réellement la grande réussite du film est l’interprétation et la direction d’acteurs. On a ainsi droit à magnifique casting où l’on peut retrouver de solides comédiens dont les plus connus sont Alain Souchon (qui à cette époque alternait entre carrière musicale et cinématographique), Suzanne Flon, François Cluzet, Michel Galabru, Roger Carel, Marie-Pierre Casey, Martin Lamotte ou la jeune Maïwenn (crédité sous le nom de Maïwen Lebesco). Cependant, le casting est dominé par l’interprétation splendide d’Isabelle Adjani, à la fois sexy et enfantine, insolente et immature, manipulatrice et subissant le poids du passé tout en étant constamment au summum de sa beauté. Adjani est tellement imprégnée par le rôle d’ "Elle" (qu’elle refusa pourtant dans un premier temps) que ce personnage reste parmi ses plus importantes interprétations avec ceux de La Reine Margot et de Camille Claudel.
Enfin, la musique, assez discrète, est utilisée également de manière intelligente pour souligner la psychologie des personnages et pour faire ressurgir le passé
(la musique du piano mécanique)
.
L’Été meurtrier est donc une belle réussite qui a pleinement mérité ses multiples récompenses (Césars de la meilleure actrice, du meilleur montage, de la meilleure actrice dans un second rôle et du meilleur scénario d’adaptation) et son beau succès public (5 137 040 entrées).